PULSION
Fonctionnement et destin des pulsions
Les pulsions se diversifient soit par leur source, soit par leur but. Ainsi peut-on individualiser des pulsions orales, anales, urétrales, phalliques, mais aussi des pulsions en rapport avec des activités telles que voir, maîtriser, dominer, détruire. Cependant, même en ces derniers cas, il est possible d'assigner une source à ces activités : l'œil, la musculature. Ce qu'il importe surtout de souligner, c'est le fonctionnement « individualiste », anarchique des pulsions partielles, qui, au départ, ne visent rien d'autre que le plaisir d'organe. Par là, les pulsions méritent la dénomination de pulsions partielles. Elles sont donc partielles à la fois parce qu'elles sont reliées à des zones corporelles séparées et parce que leur fonctionnement vise à une satisfaction isolée. Le développement libidinal fait passer cette organisation initiale autonome à des formes de plus en plus organisées, où les pulsions partielles prennent place pour se subordonner en fin de compte, à la puberté, au primat de la génitalité. Dans la sexualité adulte normale, les pulsions partielles restent actives au niveau du plaisir préliminaire.
Cependant, il serait faux de croire que chaque étape évolutive (orale, anale, phallique) voit disparaître les éléments de la phase précédente. Ceux-ci marquent de leurs traces les moments ultérieurs. Cela est particulièrement observable lorsque l'attachement du sujet à certains modes de satisfaction ou à certains objets témoigne d'une fixation, c'est-à-dire lorsque le conflit portant sur les points les plus faibles de l'organisation libidinale conduit le sujet à se replier sur les étapes antérieures, à régresser jusqu'à se fixer à l'une d'elles.
Dans la représentation du fonctionnement pulsionnel, il faut rendre compte de la manière dont les objets et les buts se remplacent les uns par les autres dans le destin des pulsions. Les modes les plus primitifs de ce fonctionnement comprennent le retournement de la pulsion en son contraire (retournement de l'activité en passivité et de l'amour en haine, par exemple) et le renversement sur la personne propre (où le sujet se substitue à l'objet). Ces modes semblent intervenir avant même l'instauration du refoulement. Freud, à ce propos, compare le fonctionnement pulsionnel à une coulée de lave comportant plusieurs vagues successives qui appartiendraient à des moments temporels différents, chacune étant marquée par le destin qu'a subi la pulsion et toutes coexistant ensemble. Ce qui est vrai des remaniements d'une pulsion est également vrai de la coexistence des différentes pulsions que le développement libidinal met successivement au premier plan. C'est le refoulement qui fait subir aux pulsions leur modification la plus décisive. Il est capable de réduire au silence et de rejeter dans l'oubli le plus total les manifestations pulsionnelles, lesquelles peuvent resurgir (retour du refoulé) en cas d'échec du refoulement. Cette résurgence devra s'accompagner du déguisement pour avoir accès à la conscience. En outre, le refoulement scinde la pulsion en ses composantes : la représentation et l'affect, qui peuvent subir des avatars distincts.
Au fur et à mesure de l'élaboration de son œuvre, Freud met en évidence, à propos du destin des pulsions, d'autres modes, que les divers tableaux cliniques portent plus ou moins nettement au premier plan et dans lesquels interviennent les mécanismes de défense du moi : l'« isolation », l'« annulation », la « formation réactionnelle », l'« introjection », la « projection », le « clivage ».
Il faut faire une place particulière, dans le destin pulsionnel, à la sublimation, qui résulte d'une transformation des pulsions partielles, surtout de celles qui[...]
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Écrit par
- André GREEN : psychanalyste, ancien chef de clinique à la faculté de médecine de Paris, membre de la Société psychanalytique de Paris
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