PULSIONS PARTIELLES
Dans la psychanalyse freudienne, l'expression de pulsion partielle (Partialtrieb) désigne les pulsions en tant que spécifiées par leur but et par leur source organique. C'est dans les Trois Essais sur la théorie de la sexualité (1905) que Freud introduit cette notion : « Ce qui distingue les pulsions les unes des autres et les marque d'un caractère spécifique, ce sont les rapports qui existent entre elles et leurs sources somatiques, d'une part, et leur but, d'autre part. La source de la pulsion se trouve dans l'excitation d'un organe ; et son but prochain est l'apaisement d'une telle excitation organique. » Il y a parallélisme entre la multiplicité des pulsions et la multiplicité des organes érogènes (zones érogènes ou « appareil génital secondaire »).
Les pulsions partielles forment des couples antagonistes ; les buts partiels ne se totalisent pas, mais s'opposent entre eux. Il n'existe pas de pulsion génitale totale ; le narcissisme n'en est que l'illusion, l'imaginaire, le leurre. On peut cependant parler en quelque façon d'une intégration des pulsions. Le nœud de la névrose provient du fait que les pulsions partielles ne sont pas intégrées ; une telle intégration, malgré ce qu'elle a de toujours incomplet et d'insatisfaisant, ne se produit que tardivement, lorsque les zones érogènes et les pulsions partielles se subordonnent à la primauté de la zone génitale. Karl Abraham insiste là-dessus : « Le développement atteindrait son issue normale lorsque la sexualité entre au service de la reproduction » (« Examen de l'étape prégénitale la plus précoce du développement de la libido », in Internationale Zeitschrift für ärztliche Psychoanalyse, 4e année, 1916-1917). Abraham met des objets partiels en regard des pulsions partielles. Par ailleurs, la théorie des pulsions partielles est directement liée à celle des perversions. Quand ces pulsions se manifestent chez l'adulte de manière isolée et autonome par rapport à l'ensemble de l'organisation libidinale, certaines formes de perversions sexuelles dominent alors ; en revanche, chez l'enfant, le jeu des pulsions partielles apparaît dans des activités sexuelles parcellaires, ce qui a conduit Freud à parler à ce propos de « perversité polymorphe ». En ce sens, « la disposition à la perversion n'est pas quelque chose de rare ni d'exceptionnel, mais fait partie intégrante de la constitution normale » (Trois Essais). Chez l'enfant, les pulsions fonctionnent dès l'abord en toute indépendance ; ce n'est qu'ensuite qu'elles s'unissent dans les diverses organisations libidinales des adultes.
Dans l'optique de J. Lacan, il convient de refuser l'opposition d'Abraham entre un amour partiel et un amour total (fût-il génitalisé). Le choix intervient entre l'objet a et l'Autre (cf. Scilicet, no 4, 1973). Le sujet reste radicalement divisé. Pourra-t-il conquérir son insuffisance initiale et constitutionnelle, au terme de son désir de savoir ? Là est toute la question.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Pierre-Paul LACAS : psychanalyste, membre de la Société de psychanalyse freudienne, musicologue, président de l'Association française de défense de l'orgue ancien
Classification
Autres références
-
ÉROGÈNES ZONES
- Écrit par Anne-Marie LERICHE
- 331 mots
Définies par Freud dans Trois Essais sur la théorie de la sexualité comme des « régions de l'épiderme ou de la muqueuse qui, excitées d'une certaine façon, procurent une sensation de plaisir d'une qualité particulière », les zones érogènes tiennent une place de première importance...
-
LIBIDO
- Écrit par Pierre KAUFMANN
- 11 337 mots
- 1 média
...normale. La pulsion sexuelle infantile était jusqu'ici essentiellement auto-érotique ; elle va maintenant découvrir l'objet sexuel. Elle provenait de pulsions partielles et de zones érogènes qui, indépendamment les unes des autres, recherchaient comme unique but de la sexualité un certain plaisir. Maintenant,... -
PARAPHILIES ET TROUBLES PARAPHILIQUES
- Écrit par Florence THIBAUT
- 6 450 mots
...vers une érotisation génitale qui sera alors privilégiée, voire exclusive. Selon la théorie freudienne, les perversions seraient la traduction de ces pulsions partielles, qui sont normalement destinées à rester inconscientes. C'est dans ce contexte que certains auteurs ont interprété les perversions... -
PERVERSIONS (psychanalyse)
- Écrit par Jean CLAVREUL
- 2 590 mots
- 1 média
...considérer l'enfant comme un « pervers polymorphe », c'est-à-dire capable de s'adonner à toutes les perversions, lesquelles existent donc sous forme de pulsions partielles. Seuls les processus du refoulement et de la sublimation concourent à lui faire adopter peu à peu une érotisation génitale privilégiée... - Afficher les 8 références