STALINIENNES PURGES
Difficilement dissociables du stalinisme dans la mesure où elles en constituent la structure significative, les purges staliniennes ont connu plusieurs vagues de dimensions et de significations différentes. Elles ont été pour Staline le moyen de s'assurer le pouvoir absolu. Plongeant le pays dans un climat de terreur et de suspicion policière, elles détruisaient toute possibilité d'extension d'une opposition au sein et hors du parti ; en attribuant les échecs dus à la politique du secrétaire général à des boucs émissaires, elles justifiaient les mesures de Staline ; enfin, elles faisaient disparaître non seulement les acteurs de la révolution d'Octobre, dont la seule existence portait ombrage au maître du Kremlin, mais aussi les apparatchik, ses pairs, qui auraient voulu s'émanciper de sa tutelle. Les premiers procès préfabriqués, celui des ingénieurs de l'« affaire Chakhty », celui du « parti industriel », celui du « bureau fédéral menchevik », font leur apparition dès la fin des années vingt (1928-1931). Ils sont suivis d'arrestations massives : la collectivisation forcée s'accompagne de la déportation de millions de familles paysannes qualifiées de koulaks. Mais le coup d'envoi de ce qu'il est convenu d'appeler la grande purge se situe au lendemain de l'assassinat de Kirov, le 1er décembre 1934, un acte isolé que Staline mit à profit sans tarder. L'explication immédiate du déclenchement de la grande purge réside dans la conjoncture : malgré le radicalisme des méthodes mises en œuvre pour la collectivisation et l'industrialisation, on assistait à un échec partiel. Au sein du bureau politique, une jeune équipe stalinienne, Kirov en tête, s'apprêtait à entreprendre une action visant à destituer Staline. Dès lors, le mécanisme des purges va s'accélérer sous l'égide du N.K.V.D. (commissariat du peuple aux Affaires intérieures). Il se situe à plusieurs niveaux : les grands procès des vieux dirigeants bolcheviques en sont la facette publique et le véritable début ; Kamenev et Zinoviev, rendus moralement responsables de l'assassinat de Kirov, sont les principaux accusés du premier grand procès de Moscou (1936), celui du « centre unifié ». Après avoir politiquement éliminé ses adversaires, Staline entreprend de se débarrasser d'eux physiquement en les qualifiant d'« ennemis du peuple ». L'année suivante, c'est le tour des anciens trotskistes sous l'étiquette de « centre parallèle », puis, en 1938, lors du troisième grand procès de Moscou, vient celui du « bloc des droitiers et des trotskistes » dont Boukharine est supposé être le chef de file. Le mécanisme de la répression déclenché en 1934 s'abat sur toutes les institutions, sur toutes les couches de la population et sur toutes les régions. Un demi-million de membres du parti, dont des dirigeants appartenant à tous les échelons, disparaissent en prison ou en camp de concentration. La purge n'épargne aucun secteur, ni l'économie, ni l'armée, où la presque totalité des chefs est déportée ou fusillée et où le corps des officiers est décimé. Le Komsomol est épuré d'un grand nombre de ses dirigeants pour ne pas s'être montré assez coopératif avec le N.K.V.D. Et enfin, pour que soient supprimés les témoins gênants et les complices, le N.K.V.D. lui-même est soigneusement épuré.
C'est surtout en 1937-1938 que la purge prend un caractère de masse, avec son cortège d'arrestations, de déportations, avec l'institutionnalisation de la torture... Pendant et après la Seconde Guerre mondiale, des populations entières, accusées de collaboration avec les nazis, sont déportées. Dès le lendemain de la guerre s'ouvre une seconde vague de purges dont les victimes sont des milliers de prisonniers de guerre soviétiques rentrés[...]
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Écrit par
- Claudie WEILL : chercheur à l'École pratique des hautes études
Classification
Média
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