PURISME, mouvement artistique
La peinture puriste
La solidarité avec l'esprit moderne, l'empathie avec l'âge de la machine n'impliquent pas que le peintre puriste soit tributaire de sujets modernes. Représenter des machines conserverait l'art dans une sorte de contingence nuisible à la recherche du général et du permanent. La peinture puriste, comme la peinture cubiste avant elle, sera essentiellement une peinture d'objets quotidiens, une peinture de natures mortes. Son répertoire se met progressivement en place au cours des années 1919 et 1920 : instruments de musique (violon, guitare), livres, pipes et contenants manufacturés divers (verres, cruches, carafes, assiettes). Ces objets sont d'abord choisis pour leur haut degré de « sélection mécanique », équivalent de la sélection naturelle, selon Ozenfant et Jeanneret, dans le monde des artefacts. La nécessité d'adaptation optimale à leur fonction leur a fait trouver une perfection qui favorise la recherche des lois et de l'invariant chez le peintre qui s'inspire de leur forme. Ozenfant et Jeanneret organisent ces objets sur la surface de la toile en respectant une structure géométrique forte, le plus souvent orthogonale, et font parfois usage de tracés régulateurs. Pour leur représentation, ils s'inspirent visiblement des techniques du dessin industriel ou du dessin d'architecture, recourant à l'axonométrie et aux juxtapositions de profils et de vues en plan (Ozenfant, Le Violon jaune, 1919, musée d'Art moderne de la Ville de Paris). Rapidement, les compositions deviennent plus complexes : les objets s'imbriquent comme les pièces d'un jeu de construction, ou glissent les uns sous les autres, entraînant des difficultés croissantes de lecture. Leurs plans transparents se superposent, s'intercalent, se rabattent ou se dédoublent selon des axes de symétrie arbitraires, jouent sur une fausse profondeur optique. Dès lors, l'identification des objets en tant que tels a moins d'importance que la perception du tout organique qu'ils composent, et de l'architecture dans laquelle ils s'insèrent.
Ozenfant et Jeanneret élaborent à partir d'eux un répertoire de formes standardisées qui débouche sur la constitution d'un vocabulaire de signes-objets favorisant le jeu des permutations, les réemplois de formes d'une œuvre à l'autre ; un pot blanc qui apparaît chez Ozenfant en 1921 se retrouve ainsi dans de nombreux autres tableaux jusqu'en 1925 (Nature morte, 1925, Musée national d'art moderne, Centre Georges-Pompidou, Paris). La facture est toujours aussi précise et anonyme que possible ; elle met en valeur les propriétés géométriques des objets à travers leurs contours. Ces derniers sont souvent polyvalents, une même courbe pouvant dessiner la panse d'un vase et le galbe d'une guitare, une même droite pouvant matérialiser l'axe commun à plusieurs objets. Il faut sans doute y voir un principe d'économie formelle, qui commande aussi l'usage polysémique de certains objets, comme chez Jeanneret où – non sans humour – le sommet d'une pile d'assiettes, rabattu contre le plan du tableau, figure également la rosace d'une guitare située immédiatement derrière elle (Nature morte au livre et à la pile d'assiettes, 1920, Museum of Modern Art, New York). Ces calembours visuels ne sont pas toujours anodins, ils entrent aussi dans la constitution d'une iconographie ambivalente, où se rejoignent les composantes paradoxales, à la fois modernes et passéistes, de l'esthétique puriste : il en va ainsi du motif de certaines bouteilles dont les profils peuvent s'interpréter soit comme les dents d'un engrenage, soit comme les cannelures d'un tambour de colonne antique (Maroc, 1919, Kunstmuseum, Bâle). La couleur, dont les puristes se méfient du pouvoir destructeur,[...]
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Écrit par
- Arnauld PIERRE : professeur d'histoire de l'art à l'université de Grenoble-II-Pierre-Mendès-France
Classification
Média
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