PURISME, mouvement artistique
L'influence du purisme
Ozenfant et Jeanneret ont su donner au purisme une tribune dont peu de mouvements artistiques ont bénéficié au cours de leur histoire, en créant une revue, L'Esprit nouveau, qui eut vingt-huit numéros entre octobre 1920 et janvier 1925 – longévité et régularité assez exceptionnelles pour une revue d'avant-garde à cette époque, comme la cohérence et la qualité de ses contenus. L'Esprit nouveau, qui se proposait de « faire comprendre l'esprit qui anime l'époque contemporaine », a abordé tous les domaines de la pensée et de l'activité politique, sociale, culturelle, scientifique « où se révèlent des tendances qui ont une importance considérable dans la vie moderne ». À travers la diversité des sujets et des intérêts, les concepteurs de la revue avaient l'ambition de stimuler la reconnaissance du « style » de l'époque – c'est-à-dire la conception unitaire qui la guide, formulée par un même esprit, cet esprit nouveau dont la définition était déjà latente dans le manifeste du purisme : « un esprit de construction et de synthèse guidé par une conception claire ».
Sur le plan des arts visuels, L'Esprit nouveau rend compte des tendances d'avant-garde dans l'Europe entière, tout en revisitant certains artistes du passé, de Jean Fouquet à Seurat, en passant par Poussin, les frères Le Nain, David et Ingres : les articles du peintre Georges Bissière comme ceux d'Ozenfant lui-même (sous différents pseudonymes) dressent numéro après numéro une généalogie artistique qui est aussi celle des tendances du retour à l'ordre. Ozenfant et Jeanneret précisent en outre, à travers plusieurs articles (« Sur la plastique », dès le premier numéro), la doctrine du purisme, qui prend la forme d'une grammaire des arts visuels orientant l'usage raisonné des éléments plastiques, du même ordre que les traités, par exemple, de Paul Klee ou de Wassily Kandinsky issus de la pédagogie du Bauhaus, avec lequel L'Esprit nouveau est en contact. La visée didactique du purisme connaîtra de nouveaux prolongements avec la publication de leur dernier ouvrage commun La Peinture moderne (1925), mais aussi avec le livre d'Ozenfant Art (1928), et avec son enseignement donné d'abord à Paris au sein de l'Académie moderne avec Fernand Léger, puis à partir de 1939 à New York où il fonde la Ozenfant School of Fine Arts. L'un des objectifs du purisme, motivant la recherche d'un langage élémentaire codifié, régi par des lois d'usage, est ainsi en passe d'être atteint : faire en sorte que puisse être assurée la transmission du langage des formes.
L'importance de la propagation des idées puristes dans les cercles européens de l'avant-garde se mesure au relais que plusieurs revues leur offrent. Ce sont souvent des revues d'obédience constructiviste (à l'exception de la revue italienne Valori Plastici), comme Vesc, publiée en 1922 à Berlin par l'artiste russe El Lissitzky, qui inclut également le purisme dans son anthologie des tendances constructives en Europe, Kunstismus (1924). Mais les idées du purisme sont aussi reprises et commentées dans Ma, publié à Vienne par Lajos Kassak, dans Blok, revue constructiviste polonaise, ou dans A bis Z, bulletin publié à Cologne entre 1929 et 1933 par le groupe Die progressiven Kunstler, alors que, sur le modèle de celle d'Ozenfant et Jeanneret, des revues d'« esprit nouveau » naissent en Belgique (7 Arts), en Tchécoslovaquie (Zivot), en Yougoslavie (Zenit) ou encore en Pologne (Zwronitca). La tension exemplaire du purisme vers un art raisonné, excluant l'anecdote et la sentimentalité, rapproche cette tendance de l'art abstrait géométrique qui se répand à cette époque dans toute l'Europe. On en retrouve l'esprit jusque dans le [...]
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Écrit par
- Arnauld PIERRE : professeur d'histoire de l'art à l'université de Grenoble-II-Pierre-Mendès-France
Classification
Média
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