PYRRHON (360-270 av. J.-C.)
Les sceptiques grecs, après Énésidème (fin du ~ ier s.), ont volontiers reconnu en Pyrrhon un ancêtre de leur méthode ; les présentations doxographiques de sa doctrine reflètent parfois cette intention. Pourtant, Pyrrhon n'est pas vraiment le fondateur d'une école sceptique. Élève d'Anaxarque, qui était lui-même un disciple de Démocrite, il accompagne avec lui Alexandre le Grand dans ses expéditions en Asie et en Inde, ce qui lui permet d'avoir des contacts avec des philosophes hindous et l'amène probablement à subir leur influence. À son retour en Grèce, il se retire dans sa ville natale, Élis, et y vit en solitaire.
Le but de la vie philosophique pour Pyrrhon est l'indifférence à l'égard des événements et des opinions, indifférence qui se fonde sur le fait que, pour l'homme, « aucune chose n'est plus ceci que cela » (Diogène Laërce, Vie des philosophes, ix, 61), c'est-à-dire que l'homme ne peut pas faire de différences entre les choses, ni du point de vue de la valeur ni du point de vue de la vérité. Tous nos jugements et nos actions ne sont que l'œuvre de la convention et de l'habitude. Le sage se conforme donc, sans illusions, à la « vie » (Vie des philosophes, ix, 62), c'est-à-dire aux opinions des non-philosophes, mais avec indifférence, c'est-à-dire avec une liberté intérieure qui préserve son ataraxie, la paix de son âme. Ce style de vie extérieurement ne se distingue pas de celui du commun : « Il vécut pieusement avec sa sœur, qui était sage-femme, quelquefois allant vendre au marché des poulets et des cochons et avec indifférence il faisait le ménage et la toilette du cochon » (Vie des philosophes, ix, 66). Tout est dans l'attitude intérieure. Les sceptiques postérieurs se reconnaîtront dans ce refus d'avoir une opinion et d'affirmer une théorie, mais Pyrrhon ne semble pas avoir lui-même développé d'argumentations subtiles pour réfuter le dogmatisme. La philosophie est pour lui exercice vécu et style de vie.
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Écrit par
- Pierre HADOT : professeur au Collège de France
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