QABOUS IBN SAÏD (1940-2020)
Qabous ibn Saïd ibn Taïmour al-Mu’azzam al Saïd, plus connu sous le nom de Sultan Qabous, a régné sur le sultanat d’Oman pendant près d’un demi-siècle, de sa prise de pouvoir en juillet 1970 à son décès le 10 janvier 2020 des suites d’un cancer.
Il naît le 18 novembre 1940 dans le Dhofar (sud de l’Oman), à Salalah, agglomération la plus peuplée du pays après Mascate, la capitale. Descendant de la dynastie des Al Bu Saïd qui remonte à 1744, il est le fils unique du sultan Saïd ibn Taïmour, qui règne sur ce protectorat britannique de fait. À l’âge de seize ans, il est envoyé en Angleterre pour ses études et sort diplômé de l’Académie royale militaire de Standhurst, puis sert un an dans l’armée britannique en Allemagne.
Alors que le pétrole, découvert en 1962, commence à être exploité, Qabous revient à Oman où son père est aux prises avec une rébellion marxiste dans le Dhofar. Cette révolte de la misère apparue au début des années 1960 s’est organisée en un Front de libération, soutenu par la République démocratique populaire du Yémen limitrophe. Lors d’une révolution de palais, en 1970, Qabous détrône son père, qui maintient le sultanat dans un régime féodal depuis 1932.
Qabous œuvre à l'intégration d’un territoire national fragmenté aux fortes tendances centrifuges et formellement indépendant à partir de 1971. Le nom du pays, Mascate et Oman, renvoyant à la dualité entre un littoral tourné vers l'extérieur et les bastions montagnards de l'intérieur, devient sultanat d’Oman. Vers 1975, le sultan parvient à réduire la rébellion du Dhofar, avec l’aide des forces armées britanniques, de renforts iraniens et jordaniens, et d’un soutien financier d'Abu Dhabi et de Riyad. La politique d'amnistie et de développement régional du nouveau sultan favorise la pacification du territoire.
Qabous gouverne en despote éclairé et entreprend, grâce aux revenus du pétrole, la modernisation de son pays qu’il dote d’un réseau routier, d’un système scolaire et d’infrastructures médicales. S’il refuse dans un premier temps d'établir une monarchie parlementaire, il opte pour un changement institutionnel progressif pour ce pays jusqu'alors exclusivement régi selon les traditions juridico-religieuses de l’islam ibadite. La nouvelle Constitution de 1996 instaure l'Assemblée d'Oman, formée du Conseil consultatif, élu pour la première fois au suffrage universel en 2003 (les femmes ont obtenu le droit de vote et d’éligibilité en 1997), et du Conseil de l'État.
Né en Tunisie à la fin de 2010, le soulèvement populaire qualifié de « printemps arabe » s’étend en Afrique du Nord, puis gagne le Moyen-Orient. Des manifestations éclatent alors dans plusieurs villes du sultanat sans toutefois que le départ du souverain ne soit réclamé. Ce vent de contestation oblige le sultan, qui cumule les fonctions de chef de l’État et de Premier ministre, à quelques avancées démocratiques. En mars 2011, il annonce le transfert d'une partie de ses pouvoirs législatifs au Parlement et concède quelques mesures sociales (augmentation des retraites et des bourses étudiantes, création d’une allocation chômage).
Amateur de musique classique occidentale, joueur de oud (luth arabe), fondateur de l'Orchestre symphonique royal d'Oman et de l’Opéra royal de Mascate, soucieux de protection du patrimoine et de l’environnement, Qabous est un personnage atypique dans le contexte de la péninsule arabique. C’est aussi un fin diplomate qui mise sur la double appartenance de l’Oman au golfe Persique et à l'océan Indien. Souverain d’un pays arabe riverain du détroit d’Ormuz, il entretient des liens privilégiés avec le Royaume-Uni et accueille des bases américaines, mais conserve de bonnes relations avec l’Iran tout en amorçant un discret rapprochement avec [...]
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Écrit par
- Brigitte DUMORTIER : ancienne élève de l'École normale supérieure, agrégée de géographie, maître de conférences à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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OMAN
- Écrit par Brigitte DUMORTIER
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Diplômé de Standhurst, le Saint-Cyr britannique, Qabous fomenta en 1970 une révolution de palais pour détrôner son père, hostile aux innovations, qui régnait depuis 1932. Qabous, gouvernant en despote éclairé, a travaillé à l'intégration nationale et à la modernisation du pays. Une révolte de la misère,...