QATAR
Nom officiel | État du Qatar |
Chef de l'État et du gouvernement | L'émir Cheikh Tamim ben Hamad al-Thani - depuis le 25 juin 2013 |
Chef de l'État et du gouvernement | L’émir Cheikh Tamim ben Hamad al-Thani - depuis le 25 juin 2013 (Premier ministre : Cheikh Mohammed ben Abderrahmane al-Thani (depuis le 7 mars 2023)) |
Capitale | Doha |
Langue officielle | Arabe |
Population |
2 656 032 habitants
(2023) |
Superficie |
11 490 km²
|
Article modifié le
De multiples expérimentations politiques
La prise de pouvoir par l'émir Hamad ben Khalifa Al-Thani, fils aîné du Cheikh Khalifa, commandant en chef des forces armées à partir de 1972 et ministre de la Défense depuis 1977, qui renverse son père en juillet 1995, inaugure une étape nouvelle dans l'histoire récente du Qatar.
Une dose de libéralisation
La modernisation de l'émirat par le haut, c'est-à-dire impulsée par des décisions de l'émir et de son bureau (diwan), connaît une forte relance, avec une politique de libéralisation politique et de réformes (liberté d'expression et des médias, privatisations et renforcement du secteur privé). Elle associe le Qatar sous le règne de l'émir Hamad à un élan de modernité et de progrès, souvent décrit de manière élogieuse à l'étranger, tandis que les réactions de la société sont plus mesurées.
La réforme emblématique est le programme politique destiné à donner au Qatar « un niveau de démocratie » semblable à celui du Koweït (dont la vie politique détonne par sa vitalité dans la région). Elle est évoquée dès 1995 avec la perspective de conseils municipaux élus, mais ne débute qu'une fois le pouvoir de l'émir Hamad stabilisé, après le contre-coup d'État de 1996 mené par les partisans de son père. Après l'expérimentation politique que représente l'élection, en avril 1998, par les trois mille sept cents membres de la Chambre de commerce et d'industrie du Qatar (un élément essentiel de la vie locale) de leur organe dirigeant, des élections municipales sont organisées en mars 1999 à grand renfort de publicité interne et externe (le jour de la Journée internationale de la femme). Les femmes participent au vote, une mesure symbolique très forte au vu du conservatisme des sociétés du Golfe, dans laquelle la très médiatique et influente deuxième épouse de l'émir, Cheikha Mozah, joue un rôle important (elle est issue de la famille Al-Misnad, des opposants des années 1950-1960 désormais cooptés dans les plus hautes fonctions de l'émirat). Aucune des six candidates n'est élue. Un deuxième scrutin municipal a lieu en avril 2003.
L'émir, sans répondre à une demande particulière de la société, annonce ensuite, en octobre 1998, la préparation d'une nouvelle Constitution, laquelle est présentée en juillet 2002 et approuvée par référendum en avril 2003 par 96,4 % des votants. Elle réorganise et clarifie les pouvoirs (exécutif, législatif confié à un Conseil consultatif, judiciaire indépendant), définit des droits fondamentaux (et assure en particulier la promotion de la femme), mais conserve des éléments essentiels du pouvoir aux mains de la famille régnante (forces armées, autorité de l'émir). Des élections législatives (pour 30 des 45 membres du Conseil consultatif, les autres étant nommés par l'émir) sont prévues pour 2006 mais reportées – en attendant ses membres sont nommés par l'émir ; en octobre 2011, l'émir programme des élections pour 2013, sous la pression des États-Unis et surtout en raison du risque de perte de crédit par la non-concrétisation des annonces faites.
Une autre réforme emblématique est la promotion d'une certaine forme de liberté d'expression. Une première étape est, en juin 1996, l'annonce très symbolique de la suppression du ministère de l'Information, habituellement associé dans les régimes arabes à la propagande officielle. Puis l'émir lance la chaîne de télévision Al-Jazirah qui commence à diffuser en novembre 1996. Elle brise le monopole saoudien sur les médias arabes, en récupérant d'ailleurs le projet saoudien de lancement d'une chaîne satellite par cooptation des journalistes du service arabe de BBC World Service, qui a échoué en raison de la censure. Al-Jazirah révolutionne le paysage médiatique arabe par sa liberté de ton et ses débats contradictoires, qui l'établissent comme une référence, bien avant qu'elle ne se singularise à partir de 2001 par la diffusion des vidéos d'Oussama ben Laden ou sa couverture du conflit irakien. Le tout va de pair avec un journalisme de qualité, loin du caractère obséquieux des journalistes de médias nationaux vis-à-vis de leurs pouvoirs respectifs. La libéralisation de la liberté d'expression reste relative, avec une prudence sur les sujets intérieurs qataris. Mais la chaîne répond à un besoin en créant un espace public arabe de substitution, sur un mode transnational, à défaut d'espaces publics nationaux étouffés par les régimes ; cet espace prend une amplitude considérable dans le monde. La chaîne Al-Jazirah profite aussi de la vague d'anti-américanisme des années 1990-2000 portée par des courants nationalistes arabes ou islamistes qui gagnent une visibilité médiatique. Par l'audience qu'elle a acquise, Al-Jazirah est également un outil de promotion et d'internationalisation de l'image du Qatar, faisant connaître dans le monde entier ce minuscule émirat, ce qui en fait aussi un outil de la diplomatie qatarie.
La construction de l'État
Le Cheikh Hamad s'inscrit dans la continuité des modalités spécifiques de construction de l'État (state building) dans les monarchies du Golfe, avec une forte relance des réformes menées par le haut. Le rôle de l'État est fondamental. L'État qatari agit par la bureaucratie étatique qui mène des politiques publiques ambitieuses, par son action pour promouvoir le secteur privé (l'entrepreneuriat privé est florissant, mais les lignes de crédit sont étatiques ou garanties par l'État), mais aussi au travers d'un réseau d'ONG (contrôlées par l'État), soutenues par la Qatar Foundation (présidée par Cheikha Mozah) aux ressources illimitées et qui irriguent la société qatarie en soutenant son niveau de vie élevé (subvention au logement, à l'emploi, etc.). La réforme est conduite par une nouvelle génération de trentenaires et quadragénaires bien formés, cosmopolites et présents dans le gouvernement ou la bureaucratie. On peut se demander si l'émir Hamad inaugure une phase radicalement nouvelle ou s'il ne s'inscrit pas plutôt, avec des méthodes radicalement nouvelles (son volontarisme forcené), dans une continuité, avec la construction d'un État, d'une identité et d'une indépendance qataris face aux deux « grands » régionaux que sont l'Arabie Saoudite et l'Iran.
La construction de l'État qatari est enfin une stratégie de survie politique pour l'émir Hamad et la partie de la famille Al-Thani qui le soutient. La stabilisation de son pouvoir, après son coup d'État effectué en 1995 grâce à son contrôle de l'armée, prend au moins deux ans, avec des rumeurs de restauration de son père, qui reste populaire dans la société – tentatives de contre-coup d’État appuyées par l'Arabie Saoudite et Abou Dhabi – et des rivalités au sein de la famille Al-Thani. Cette large famille compte près de six mille membres et s'est installée très tôt dans la zone non habitée qu'était le Qatar, mais elle est empreinte d'un fort factionnalisme ; avant 2013, tous les dirigeants du Qatar ont quitté le pouvoir en étant forcés à l'abdication (1913, 1949, 1960, 1972, 1995). Des décrets de juillet 1995, puis la Constitution d'avril 2003 modifient les règles de succession, qui n'a plus lieu désormais au sein de la famille Al-Thani, mais parmi « les successeurs mâles de Hamad ben Khalifa Al-Thani », en consultation avec les personnalités influentes de la famille (et un conseil de famille sur le modèle saoudien est instauré en juillet 2000 pour institutionnaliser quelque peu les processus familiaux). En 2003, le troisième fils de l'émir, Jasim, jusqu'alors prince héritier, renonce à ses droits et est remplacé par son frère Tamim. Celui-ci accède à la tête de l'émirat le 25 juin 2013, à la suite de l'abdication de son père. Cette procédure de transmission du pouvoir est inédite dans les monarchies du Golfe. Cheikh Tamim ben Hamad al-Thani devient le plus jeune chef d'État du monde arabe.
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Écrit par
- André BOURGEY : professeur émérite des Universités
- Philippe DROZ-VINCENT : professeur des Universités en science politique
Classification
Médias
Autres références
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ARABIE SAOUDITE
- Écrit par Philippe DROZ-VINCENT , Encyclopædia Universalis et Ghassan SALAMÉ
- 25 172 mots
- 10 médias
L'activisme diplomatique saoudien vise également à damer le pion au Qatar, dont la stratégie de visibilité agace depuis de nombreuses années dans le Golfe, en particulier les débats contradictoires organisés par la chaîne de télévision al-Jazira dans lesquels ont pu intervenir des opposants saoudiens.... -
BAHREÏN
- Écrit par André BOURGEY , Encyclopædia Universalis et Laurence LOUËR
- 4 898 mots
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...principales unités industrielles du royaume. Ces deux îles sont reliées à Manama par des ponts. En revanche, l'île de Hawar, proche de la péninsule de Qatar, et certains petits îlots sont revendiqués par l'émirat de Qatar. Un conflit armé entre Bahreïn et Qatar a été évité de justesse en avril 1986 grâce... -
CCG (Conseil de coopération du Golfe)
- Écrit par Encyclopædia Universalis
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Le Conseil de coopération du Golfe (CCG, en anglais, Gulf Cooperation Council ou GCC) est une organisation régionale. Créé le 25 mai 1981, à l'initiative de Riyad, pour contrer les débordements possibles de la révolution islamique iranienne et limiter les retombées de la guerre Irak-Iran...
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DOHA
- Écrit par Encyclopædia Universalis
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Capitale du Qatar, située sur la côte est de la péninsule de Qatar, dans le golfe Persique, la ville de Doha (en arabe Ad-dawhah, « baie ») a connu, depuis quelques années, un essor démographique soutenu : de 612 707 habitants recensés en 2004, la zone métropolitaine serait passée à 1 million en...
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Voir aussi
- PERLE
- ARIDE DOMAINE
- GNL (gaz naturel liquéfié)
- BASES MILITAIRES STRATÉGIQUES
- DÉMOCRATISATION
- COMPAGNIES PÉTROLIÈRES
- COMPÉTITION SPORTIVE
- IRAN RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE D'
- URBANISATION
- SYRIE, histoire, de 1941 à nos jours
- ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE, histoire, de 1945 à nos jours
- ARABO-PERSIQUE GOLFE, géopolitique
- POLITIQUE INDUSTRIELLE
- PRIVATISATION
- ÉMIRATS ARABES DU GOLFE
- EAU APPROVISIONNEMENT ET TRAITEMENT DE L'
- DUKHAN, Qatar
- NORTH-FIELD, Qatar
- PÉTROLIÈRE PRODUCTION
- HAMAD BEN KHALIFA AL-THANI (19524-2016) émir du Qatar (1995-2013)
- AL-JAZIRAH
- THANI AL-, dynastie qatarie