QIAN XUAN[TS'IEN SIUAN](1235 env.-1301)
« Peinture de fleurs et d'oiseaux » : un héritage renouvelé
Comme tous les peintres Yuan, Qian Xuan abandonne la soie, support favori des artistes Song, et lui substitue le papier. Ce choix délibéré constitue un caractère essentiel de la peinture Yuan. La soie permet la diffusion de l'encre et se prête donc aux grandes étendues de lavis qui font la qualité atmosphérique de la peinture Song. Loin de rechercher ces effets, les peintres Yuan s'attachent au jeu graphique de la ligne d'encre sur le fond sec et neutre du feuillet. La période mongole marque l'avènement d'un art plus intellectuel, moins préoccupé de la poursuite du réalisme qu'à l'époque précédente. Les thèmes traditionnels traités par Qian Xuan ne doivent donc pas nous égarer : Branche de poirier (Metropolitan Museum, New York) ou Gardénias et pommes sauvages (Freer Gallery, Washington) du maître sont bien différents des branches fleuries de l'académie Song. Pas de fondu atmosphérique, pas de vibration, pas de traitement poussé des surfaces, mais des formes d'une précision cristalline se détachant sur le vide du papier. Les Pigeons sur une branche de poirier du musée de Cincinnati offrent un bon exemple de l'évolution radicale d'un genre traditionnel sous le pinceau de Qian Xuan : une branche sortant de l'angle inférieur gauche lance un court rejet vers le haut tandis que sa tige principale se développe vers la droite, soulignant, dans son parcours parallèle aux bords du rouleau, l'horizontalité du format. La branche est d'un tracé précis, sa substance semble plus minérale que végétale. Deux pigeons y sont posés, traités avec un curieux mélange d'abstraction et de naïveté en une articulation de portions de cercle et de triangles, rehaussés de légers lavis de couleurs variées marquant les différences de plumage. Les formes n'ont pas de réel volume, aucun effort n'est fait pour les situer dans un espace tridimensionnel ; bien au contraire, la composition est disposée en frise plate à mi-distance des bords du rouleau. Dans cette gaucherie apparente réside la « saveur antique », recherche essentielle de la peinture du début des Yuan. Les Pigeons sur une branche de poirier constituent un exercice de style où l'artiste réinvente de façon délibérée la maladresse des peintres de l'Antiquité. Plus naturels sont le Melon d'automne et l'Écureuil sur une branche de pêcher du musée de Taipei. Dans la première composition, l'artiste joue avec une extrême subtilité du contraste de la ligne – fin réseau des nervures des feuilles et tiges graciles – et du volume – un melon rendu sans contour aucun, par des tranches au lavis foncé que séparent de fines lignes laissées neutres. L'extrémité jaunie d'une feuille ajoute une note délicate et anecdotique à cette composition très concertée.
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Écrit par
- Caroline GYSS : chargée de recherche au CNRS, directrice du programme Religion et société en Chine au Groupe de sociologie des religions et de la laïcité
Classification
Autres références
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ZHAO MENGFU [TCHAO MONG-FOU] (1254-1322)
- Écrit par Caroline GYSS
- 1 468 mots
- 1 média
...obtient un poste de fonctionnaire sous les Song, puis se retire dans sa ville natale à la chute de la dynastie. C'est là, semble-t-il, qu'il rencontre Qian Xuan et, selon quelques contemporains, qu'il étudie la peinture sous sa direction. Zhao lui-même n'en fait pas état, mais il paraît probable que le...