QU'EST-CE QUE LA PROPRIÉTÉ ? Pierre-Joseph Proudhon Fiche de lecture

Une science de l'économie moderne ?

On soulignera d'abord les faiblesses méthodologiques de l'ouvrage qui, dans une veine provocatrice et sur le mode de l'anecdote personnelle, de l'allusion et de la rhétorique, ne répond pas aux exigences canoniques de la démonstration réglée. La critique féroce et passionnée – que, à la fin du xix^e siècle, Desjardins démontera point par point – y supplée aux propositions réformistes réellement constructives qu'il faudra attendre et lire ultérieurement à travers les hésitations entre les solutions du morcellement de la propriété, du droit au travail et du crédit gratuit.

Par ailleurs, la thèse du vol renvoie aux procédures classiques du raisonnement holiste. Selon Proudhon, on ne saurait réduire les « forces collectives » à la somme des forces individuelles sans qu'échappe à l'analyse l'origine réelle de la valeur. L'exploitation capitaliste résulte des bénéfices tirés de l'union de travailleurs rétribués sur la seule base de leur participation individuelle.

Pour cette esquisse d'une théorie de la plus-value ainsi que pour l'apparition sous la plume de Proudhon de l'expression de « socialisme scientifique », Qu'est-ce que la propriété ? demeure sans conteste, sans toutefois préfacer l'idéal communiste puisque seule la propriété et non la possession est dénoncée, une source d'inspiration pour Marx. Ce dernier, avant de rompre dans Misère de la philosophie (1847) avec l'auteur de la Philosophie de la misère (1846), lui consacrera soixante pages élogieuses dans La Sainte Famille (1845), affirmant que ce livre est « le manifeste scientifique du prolétariat français ». Mais c'est surtout dans les milieux travaillistes et le militantisme syndical que l'ouvrage trouvera un écho positif et durable.