QU'EST-CE QUE LES LUMIÈRES ? Emmanuel Kant Fiche de lecture
Les raisons de la lâcheté
Mais les peuples ne pourront réellement progresser que s’ils parviennent à surmonter une lâcheté régissant encore trop souvent les comportements. « La paresse et la lâcheté sont les causes qui expliquent qu’un si grand nombre d’hommes [...] restent cependant volontiers, leur vie durant, mineurs ». Juger par soi-même, c’est devenir responsable des actes qui découleront logiquement de mon jugement. Tandis que si je prétends n’avoir agi qu’en fonction d’un verdict qui n’est pas le mien, je me décharge de ma responsabilité. Devient seul coupable celui qui a jugé à ma place, déclenchant des comportements qui devront lui être imputés. La période nazie nous fournit un exemple privilégié de cette lâcheté : les Allemands des années 1930 ont-ils été les pauvres marionnettes d’un redoutable manipulateur, ou doit-on les considérer comme « les bourreaux volontaires de Hitler », pour reprendre le titre de l’ouvrage de l’historien Daniel J. Goldhagen, publié en 1996 ?
N’y a-t-il pas cependant un risque d’anarchie si chacun se prétend en capacité de juger ? Non, répond Kant, en distinguant usage privé et usage public de la raison. Reprenant les arguments développés par Spinoza, qui défendait au chapitre XX de son Traité théologico-politique la thèse selon laquelle un citoyen doit renoncer « au droit d’agir suivant son propre décret, non au droit de raisonner et de juger », Kant affirme qu’ « un officier doit obéir » à sa hiérarchie mais conserve la possibilité de présenter au pouvoir et au public lettré ses réserves sur les lois qu’il fait appliquer, et de suggérer les modifications que sa raison lui présente comme souhaitables.
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Écrit par
- Philippe GRANAROLO : professeur agrégé de l'Université, docteur d'État ès lettres, professeur en classes préparatoires
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LUMIÈRES
- Écrit par Jean Marie GOULEMOT
- 7 863 mots
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...vers lequel tendre, déjà partiellement atteint, mais sans cesse menacé, renié pour céder à la soumission de l'esprit et à l'aliénation de la raison. À partir de Qu'est-ce que les Lumières ?, on peut penser celles-ci comme la conquête d'une attitude intellectuelle plus qu'un ensemble de valeurs,...