QUASI-CRISTAUX
Propriétés physiques des quasi-cristaux
Les études des propriétés physico-chimiques des quasi-cristaux ont pris un réel essor avec la fabrication de mono-quasi-cristaux de grande taille par des techniques de croissance cristallines standard (croissance de types Bridgman et Czochralsky). Des mono-quasi-cristaux icosaédriques de plusieurs centimètres ont été obtenus dans le système aluminium-palladium-manganèse. De même que leur structure, certaines propriétés physiques des quasi-cristaux sont paradoxales. Contrairement aux alliages métalliques classiques à base d'aluminium, les quasi-cristaux présentent une importante résistivité électrique ; elle peut atteindre celle d'un isolant dans le cas du quasi-cristal aluminium-palladium-rhénium (la résistivité de ce dernier est environ un million de fois supérieure à celle de l’aluminium pur). Ce sont également de mauvais conducteurs thermiques. Toutefois, le rôle central de la quasi-périodicité dans les propriétés électroniques et thermiques est encore imparfaitement compris.
Les propriétés mécaniques des quasi-cristaux se caractérisent par une grande dureté (environ cinq fois celle des meilleurs aciers spéciaux) et une grande fragilité observées à la température ordinaire. Au-dessus d’une température relativement élevée (environ 0,8 fois la température de fusion), ces matériaux s’amollissent brutalement ; leur déformation plastique présente un comportement comparable à celui de la superplasticité. Les phénomènes mis en jeu sont toutefois différents ; il semble, en effet, que des dislocations s’introduisent et migrent sous l’action d’une contrainte au travers de la structure du quasi-cristal, mais sans donner lieu au phénomène de durcissement structural (écrouissage) observé dans le cas des métaux ordinaires. Leur résistance à l’oxydation semble être aussi exceptionnelle, malgré le manque d’études paramétrées. Cette résistance à la corrosion, leur comportement ductile à haute température, leur faible conductivité thermique font des quasi-cristaux des candidats de choix pour la réalisation de barrières thermiques (moteurs d’avion, fusées, etc.).
Par ailleurs, la surface des quasi-cristaux est non mouillable, c’est-à-dire qu’une goutte de liquide ne s’y étale pas en un film mince. Cette propriété, associée à une exceptionnelle dureté et une grande résistance thermique, prédestine les quasi-cristaux à des applications technologiques de dépôts sur des supports ayant des propriétés complémentaires, par exemple comme revêtement de fond de casseroles ou de poêles à frire.
De plus, la résistance aux frottements des quasi-cristaux – les coefficients de frottement sur la surface d’un quasi-cristal peuvent être jusqu'à dix fois plus faibles que sur celle d’un acier – permet d’envisager leur utilisation pour les pièces mécaniques en mouvement, telles certaines parties des moteurs automobiles, ce qui augmenterait la longévité de ceux-ci et réduirait la consommation de carburant et de lubrifiant (donc de pollution). Parmi d’autres domaines encore inexplorés, celui de la catalyse hétérogène en présence de matériaux quasi-cristallins pourrait a priori concerner un bon nombre de réactions chimiques et peut-être donner lieu à quelques applications.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Marc AUDIER : docteur, directeur de recherche au C.N.R.S.
- Michel DUNEAU : directeur de recherche au C.N.R.S.
Classification
Médias
Autres références
-
DÉCOUVERTE DES QUASI-CRISTAUX
- Écrit par Bernard PIRE
- 155 mots
Dan Shechtman, Ilan Blech, Denis Gratias et John W. Cahn découvrent en 1984, dans des alliages d'aluminium et de manganèse obtenus par trempe rapide, un ordre atomique présentant une symétrie pentagonale incompatible avec la périodicité spatiale caractéristique des cristaux. Cette découverte...
-
DÉCOUVERTE DU PREMIER QUASI-CRISTAL
- Écrit par Bernard PIRE
- 213 mots
Les physiciens israéliens Dan Shechtman et Ilan Blech, le Français Denis Gratias et l'Américain John W. Cahn découvrent en 1984 le premier quasi-cristal, un alliage d'aluminium et de manganèse, obtenu par trempe rapide, qui paraît posséder un ordre atomique tout à fait surprenant....
-
QUASI-CRISTAUX NATURELS
- Écrit par Bernard PIRE
- 326 mots
Les quasi-cristaux sont des arrangements très particuliers d'atomes dont la structure est fortement ordonnée à grande distance. Ils présentent souvent une symétrie pentagonale incompatible avec la périodicité spatiale caractéristique des cristaux. Depuis leur découverte en 1984, dans un alliage métallique...
-
CRISTAUX
- Écrit par Marc AUDIER et Michel DUNEAU
- 7 291 mots
- 2 médias
En 1984, on découvre une nouvelle organisation atomique dans un alliage d'aluminium-manganèse. C'est le premier exemple d'une longue liste de quasi-cristaux qui sont caractérisés par un ordre spatial non périodique, bien que très rigoureux, et une symétrie incompatible avec les réseaux périodiques classiques,... -
MATIÈRE (physique) - État solide
- Écrit par Daniel CALÉCKI
- 8 629 mots
- 12 médias
Pour comprendre l'état quasi cristallin, le plus simple est de se placer dans un espace à deux dimensions. Rappelons qu'un cristal est obtenu en pavant entièrement l'espace à l'aide d'un pavé ou de plusieurs pavés juxtaposés ; ils forment une figure qui se répète périodiquement, sans vide entre les... -
SHECHTMAN DAN (1941- )
- Écrit par Bernard PIRE
- 359 mots
Physicien et chimiste israélien, prix Nobel de chimie en 2011 pour sa découverte des quasi-cristaux. Né à Tel-Aviv (en Palestine sous mandat britannique à cette date, aujourd’hui en Israël) le 24 janvier 1941, Dan Shechtman fit ses études universitaires au département d’ingénierie mécanique de...