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QUASI-EMPIRISME, mathématique

Rôle de l'ordinateur

Peut-on affirmer que la plus grande certitude mathématique n'est pas forcément atteinte par les démonstrations au sens usuel, et que le résultat de calculs informatiques, malgré toutes les sources d'erreurs possibles qui peuvent les compromettre, est parfois plus sûr qu'un théorème considéré comme « démontré » par la communauté des mathématiciens ? Il semble bien que oui et cette idée est défendue avec provocation par Jon Borwein, David Bailey et Roland Girgensohn : « On peut argumenter que bien des résultats de calculs informatiques sont aussi fiables, voire plus, que certaines parties des mathématiques humaines. Par exemple, il est vraisemblable que seules cinquante ou cent personnes vivantes peuvent, en s'en donnant le temps, assimiler la totalité de la démonstration extraordinairement complexe qu'Andrew Wiles a formulée du grand théorème de Fermat. S'il y a ne serait-ce qu'une chance sur cent pour que chacune ait laissé passer la même erreur subtile – et on peut imaginer qu'elles aient été entraînées à le faire par les nombreux résultats antérieurs sur lesquels la preuve s'appuie –, alors on doit conclure que bien des résultats de calculs informatiques sont mieux garantis que la démonstration du grand théorème de Fermat. »

Les mathématiques, pour ces défenseurs de l'ordinateur, n'ont pas pour but général de découvrir des preuves formelles, mais des connaissances sûres, et pour eux la machine est capable de nous y aider de bien des façons. Associé souvent à un antifondationnalisme, le quasi-empirisme est sans doute appelé à jouer un rôle de plus en plus important en mathématiques au fur et à mesure que l'usage de l'ordinateur se généralisera. Cependant, il semble aujourd'hui que le quasi-empirisme manque d'une élaboration philosophique avancée qui, allant au-delà de la provocation et de la glorification des pratiques inductives et expérimentales opérées grâce à l'ordinateur, produise, indépendamment de l'antifondationnalisme et sans le sociologisme qui lui est souvent associé, une nouvelle compréhension du travail du mathématicien et de ses rapports aux outils de calculs modernes.

— Jean-Paul DELAHAYE

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