QUATREVINGT-TREIZE, Victor Hugo Fiche de lecture
Rédigé de décembre 1872 à juin 1873, publié en 1874, Quatrevingt-Treize est le dernier roman de Victor Hugo (1802-1885). L'écrivain en forma le projet dès après la parution des Misérables, en 1862. À l'origine, l'ouvrage devait conclure une trilogie romanesque qui aurait peint au préalable l'ancienne Angleterre, puis l'ancienne France. Pour Hugo, il s'agissait de montrer comment les injustices de l'aristocratie et les oppressions de l'Ancien Régime avaient inéluctablement conduit à la Révolution. Dans L'homme qui rit, premier volet de cette trilogie, Gwynplaine prophétise devant la Chambre des lords les lendemains terribles où le peuple se soulèvera. Le second volet, qui aurait dû traiter de la royauté française, ne vit pas le jour. Au moment où Hugo y travaillait survint la guerre de 1870, puis la chute de l'Empire. L'auteur pouvait enfin rentrer d'exil, mais pour assister au spectacle d'une France déchirée. 1793, autre « année terrible », se répétait. De nouveau l'envahisseur prussien était aux portes de Paris, de nouveau la guerre civile faisait rage. Au lendemain de la Commune, Hugo éprouva la nécessité de délivrer un grand message de paix : ce fut Quatrevingt-Treize.
Deux mondes s'affrontent
Le roman retrace la guerre de Vendée qui, au lendemain de l'exécution de Louis XVI, opposa les insurgés royalistes de l'Ouest, les blancs, aux troupes républicaines, les bleus, faisant près de 500 000 morts. Écrit dans l'urgence, il privilégie l'action dramatique, et une esthétique qui évoque souvent celle du théâtre, au détriment des longs commentaires que l'auteur affectionne d'ordinaire. Il repose sur une architecture simple, fortement rythmée : trois actes, trois lieux, trois personnages principaux.
La première partie se situe en mer. Une corvette anglaise emmène vers la Bretagne le marquis de Lantenac qui, appelé à prendre la tête des troupes royalistes, y voyage incognito. Au cours de la traversée, un canon, libéré de ses amarres, endommage la coque du navire. Celui-ci ne peut soutenir le combat devant l'escadre française qui l'intercepte et le coule. Fuyant dans une barque, Lantenac accoste en France, où sa tête est mise à prix. Reconnu et ovationné par les siens, il les exhorte à mener une guerre sans merci : « L'Armée républicaine est mon gibier... Pas de quartier. » Un bataillon de bleus est exterminé. Trois enfants qui en étaient les mascottes sont capturés.
La deuxième partie se passe dans le Paris révolutionnaire, dont Hugo retrace avec réalisme l'agitation. Les responsables du Comité de salut public, Danton, Marat et Robespierre, ont résolu de réprimer dans le sang l'insurrection vendéenne. Mais ils se méfient du commandant de l'armée républicaine, Gauvain, un aristocrate, et neveu de Lantenac qu'il soupçonnent d'être trop clément. Ils nomment auprès de lui un homme inflexible : Cimourdain, « une conscience pure... ayant en lui l'absolu ». Or, celui-ci a jadis été le précepteur de Gauvain, qu'il considère comme son fils.
La fin du roman a pour cadre la Vendée, où Gauvain triomphe de l'insurrection. Lantenac et ses fidèles se réfugient dans le château de la Tourque. Assiégés, ils fuient par une issue secrète, après avoir mis le feu au donjon. Les enfants qui y sont enfermés vont périr. Entendant les cris de leur mère, qui les a retrouvés, le marquis retourne les sauver et est fait prisonnier. Ému par son geste, Gauvain le fait évader et se condamne ainsi à la guillotine. Au moment où tombe le couperet, Cimourdain se tue.
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Écrit par
- Philippe DULAC : agrégé de lettres modernes, ancien élève de l'École normale supérieure
Classification
Média