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QUATREVINGT-TREIZE, Victor Hugo Fiche de lecture

Vers la concorde nationale

Toute sa vie, Hugo eut présente à l'esprit la Révolution française. S'il acceptait aisément 1789 qui libérait le peuple de son joug, il refusa longtemps 1793, la Terreur et ses luttes fratricides. N'était-il pas le fils d'une vendéenne et d'un officier républicain ? Pourtant, à mesure qu'évoluaient ses idées politiques, il finit par admettre que les bienfaits de la Révolution étaient plus importants que ses crimes, et que 1793 avait constitué le mal nécessaire pour effectuer « cette rude besogne de liquider, en trois ou quatre années, huit siècles d'oppression et de malaise ». C'est ainsi que la partie centrale du roman, nourrie par de vastes lectures documentaires, fait l'apologie de l'œuvre accomplie par la Convention : « En même temps qu'elle dégageait de la révolution, cette assemblée produisait de la civilisation. Fournaise, mais forge. Dans cette cuve où bouillonnait la terreur, le progrès fermentait. »

Quatrevingt-Treize, toutefois, n'est pas seulement un roman historique. Si l'objectif de Hugo est de faire comprendre la Terreur, il est aussi de répondre à la Commune, de faire entendre à une France meurtrie et divisée un hymne de paix et d'espoir. C'est pourquoi il entend dépasser l'affrontement manichéen entre les bleus et les blancs, Cimourdain et Lantenac, le progrès et la réaction. Il invente une autre voie, celle de la réconciliation, à travers le personnage de Gauvain. Héros quasi chimérique, qui a un physique d'Hercule, un regard de prophète, un rire d'enfant et un nom de chevalier, celui-ci est vraiment le porte-parole de Hugo. Avant de monter sur l'échafaud, il dit sa foi en une république idéale qui concilie la nécessaire évolution de la société et le respect de l'homme : « Vous rêvez l'homme soldat, je rêve l'homme citoyen. Vous le voulez terrible, je le veux pensif. Vous fondez une république de glaives, je [...] fonderais une république d'esprits. »

Affirmer la prépondérance de la personne sur l'idéologie, tel est l'enjeu d'un roman qui met en scène le peuple lui-même. Peuple bouillonnant de Paris, libérant sa parole dans la rue, les journaux et les clubs. Peuple archaïque et taciturne de l'Ouest, tapi dans les caches souterraines et le tronc des arbres (Balzac l'avait déjà puissamment évoqué dans Les Chouans, en 1829. Au milieu d'eux, quelques figures mémorables, qui font entendre la voix des humbles : Tellmarch, le mendiant qui a connu toutes les injustices de l'Ancien Régime ; Radoub, le bleu au grand cœur ; Mireille Fléchard, la mère, qui a les traits des héroïnes communardes, et dont le désespoir fait dévier le cours de l'histoire ; les enfants, enfin, qui, enfermés dans le château, se mettent à déchirer les pages d'un livre magnifique consacré à la Saint-Barthélemy : image symbolique de cette espérance en la fin des haines et des guerres civiles, qui traverse le roman.

— Philippe DULAC

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Écrit par

  • : agrégé de lettres modernes, ancien élève de l'École normale supérieure

Classification

Média

Victor Hugo - crédits : M. Seemuller/ De Agostini/ Getty Images

Victor Hugo