QUATRIÈME RÉPUBLIQUE
La France, une fois libérée de l'Occupation en 1945, devait se reconstruire. Il fallait rétablir les moyens de communication et les infrastructures économiques, relancer la production et les échanges, mais il était aussi urgent de rétablir une légitimité et un système politique, refaire une société sinon de consensus, du moins de régulation pacifique des conflits, assurer la présence de la France dans le concert des nations et adopter un statut pour les anciennes colonies françaises. Les grands idéaux de la charte du Conseil national de la Résistance, adoptée en mars 1944, qui prévoyait notamment la nationalisation des grandes entreprises, une planification de l'économie, un régime de sécurité sociale pour tous, devaient maintenant se confronter à l'épreuve de la mise en pratique. Cet article traitera d'abord des institutions et de leur fonctionnement, puis des forces politiques et des élections, avant d'esquisser un bilan de la période en matière économique et sociale, mais aussi de construction européenne et de sort réservé aux colonies françaises.
Les institutions et leur fonctionnement
La difficile élaboration de la Constitution
La IIIe République ayant disparu dans la débâcle de 1940, aucun système politique ne s'imposait naturellement après la « parenthèse » de Vichy. Dès la Libération, des pouvoirs de fait existaient : celui du général de Gaulle et de la Résistance extérieure, qui pouvait se prévaloir de la continuité de la France et d'une reconnaissance de la part des Alliés, celui de la Résistance intérieure qui avait participé activement à la lutte contre l'occupant et à la libération du pays. Théoriquement coordonnés, ces deux pouvoirs étaient en fait souvent opposés. Derrière cette lutte se posait la question de la place qui serait faite à l'avenir aux communistes, très influents dans les mouvements de Résistance. La première tâche du général de Gaulle, chef du gouvernement provisoire de la République française, fut d'asseoir son pouvoir, en intégrant et canalisant la Résistance intérieure et en essayant de s'appuyer sur le soutien populaire.
Il avait été prévu, dès avril 1944, qu'une Assemblée constituante serait élue après la Libération pour adopter de nouvelles institutions et que le suffrage universel serait désormais étendu aux femmes. Le général de Gaulle choisit d'organiser le même jour, le 21 octobre 1945, l'élection d'une Assemblée et un référendum avec deux questions. À la première question, « Voulez-vous que l'assemblée élue ce jour soit une Assemblée constituante ? », une écrasante majorité de 96,4 p. 100 des suffrages exprimés répondit positivement, ce qui établissait de façon indiscutable la volonté générale d'établir de nouvelles institutions, plutôt que de revenir à celles de la IIIe République. À la deuxième question, « Approuvez-vous l'organisation provisoire des pouvoirs publics indiquée dans le projet qui vous est soumis ? », la réponse fut moins unanime (66,3 p. 100 de suffrages positifs). Conformément à la volonté du général de Gaulle (et contre celle des communistes), le pouvoir de l'Assemblée constituante était donc limité à sept mois à l'issue desquels le projet de Constitution devrait être soumis à un nouveau référendum ; l'Assemblée devait aussi choisir le chef du gouvernement provisoire, qu'elle ne pourrait renverser que par une motion de censure votée à la majorité absolue.
L'Assemblée constituante est élue au scrutin proportionnel sur base de circonscriptions départementales, ce qui rompt avec le scrutin d'arrondissement de la IIIe République. Le résultat fait apparaître au grand jour le rapport de force existant entre les grandes formations politiques. Trois partis recueillent environ les trois quarts des suffrages,[...]
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Écrit par
- Pierre BRÉCHON : professeur émérite de science politique à Sciences Po Grenoble, chercheur au laboratoire Pacte (UMR 5194, CNRS/ université Grenoble Alpes/Sciences Po Grenoble)
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