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QUATUOR À CORDES

Le quatuor classique

Attribuer à Joseph Haydn, comme le font les manuels élémentaires d'histoire de la musique, la « création » du quatuor à cordes, c'est simplifier les choses à l'excès. Si, pour ce qui est de la sonate, on est d'accord sur l'époque et le lieu d'origine et sur les premiers pionniers (Tarquinio Merula, Salomone Rossi, Biagio Marini, Giovanni Battista Fontana, en Italie, pendant la première moitié du xviie siècle), l'origine du quatuor classique est en revanche aussi difficile à fixer de façon précise que celle de la symphonie. Dans ces deux derniers cas, il s'agit de formes aux sources multiples, pratiquées dans toute l'Europe musicienne par de nombreux compositeurs qui souvent travaillaient dans la même direction, sans se connaître. Par contre, il est acquis que la notoriété de Haydn, auteur de quatuors, a très vite imposé ce genre, l'a vivifié au point de lui assurer d'emblée une vaste et prompte diffusion, de susciter de nombreux émules, d'ouvrir la voie à Mozart, Beethoven et leur descendance.

J. Haydn - crédits : DEA / A. Dagli Orti/ De Agostini/ Getty Images

J. Haydn

Beethoven - crédits : Rischgitz/ Getty Images

Beethoven

Les premiers quatuors de Haydn, composés à partir de 1755, intitulés, à l'origine, quadri, divertimenti, cassations, s'apparentent à l'ancienne suite : cinq mouvements, dont deux menuets, un contenu musical en général plutôt léger, dans le caractère de sérénades de plein air propres à être exécutées aussi bien par de petits orchestres à cordes. À partir du recueil de Quatuors dialogués de 1764, on est en présence d'un véritable style de quatuor, avec, cependant, de temps à autre, une prépondérance accordée au premier violon (vraisemblablement due à la présence de Luigi Tomasini ou de quelque autre grand virtuose momentanément attaché à la cour du prince pour lequel Haydn travaillait). On la retrouve lorsque, en 1832, dans sa méthode de violon (Violinschule, Haslinger, Vienne), Louis Spohr distingue entre le quatuor normal et « une espèce de quatuor où le premier violon exécute le Solo, et les trois autres instruments ne font qu'accompagner, on les appelle Quatuors Brillans, ils ont pour but de donner occasion au joueur du Solo de montrer son talent dans les petits cercles ou salons ». Même dans ces œuvres de circonstance, Haydn mérite une autre audience que celle des « petits cercles ou salons ». Avec son opus 17 (1771) commence une série de chefs-d'œuvre qui se poursuit sans faiblesse jusqu'au quatre-vingt-troisième et dernier quatuor, resté inachevé.

Les quatre-vingt-onze quatuors de Luigi Boccherini (ce nombre n'inclut pas ceux dont l'attribution est incertaine) n'ont pas la même densité musicale, et surtout ne marquent pas, au cours des années, un progrès aussi continu ; mais, au départ, il semble bien que le maître italien l'emporte en maturité, pour ce qui est de l'écriture de quatuor. Dans son recueil de 1761, publié seulement six ans plus tard, les structures d'ensemble sont plus équilibrées, et la mise en valeur des voix intermédiaires plus poussée que dans les Quadri de Haydn. Ultérieurement, il cédera du terrain et subira plus ou moins l'influence de son rival, sans pour autant mériter la désaffection dont son œuvre a longtemps souffert. Celle-ci commence à revenir à la lumière, et l'on s'aperçoit que sa verve, sa mobilité d'expression, la vivacité et l'esprit de ses épisodes descriptifs compensent largement ses faiblesses.

Avec le début de l'ère classique, l'histoire du quatuor perd de son intérêt, non qu'il aille s'appauvrissant, bien au contraire, mais presque tout ce qui compte dans le genre s'incorpore à la production de compositeurs universellement connus, dont la biographie, la chronologie, l'esthétique ont été amplement étudiées et dont les quatuors, pour les plus grands d'entre eux, font l'objet de monographies aisément accessibles. Ce qui ne signifie[...]

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