QUECHUA
L'organisation sociale
Des communautés agraires divisées en sections
La communauté agraire est la forme la plus élaborée de l'organisation sociale des Quechua. Les solidarités supracommunautaires, sur la base desquelles s'étaient constituées de petites chefferies, ont été complètement démantelées par les Espagnols, après avoir été diversement érodées par les Incas. D'ailleurs, la communauté actuelle est moins une survivance de l'époque précolombienne que la création délibérée des autorités coloniales. À la fin du xvie siècle, le vice-roi Francisco de Toledo entreprit de concentrer systématiquement en villages situés dans les fonds de vallées les établissements localisés à la limite des cultures (ager) et des pâturages (saltus), vers 3 800 mètres d'altitude, entre lesquels s'éparpillait alors la population andine. Ces établissements, ou ayllu, se caractérisaient par la possession d'un terroir, ou marka. Ils étaient formés par des familles unies par des liens de consanguinité ou d'affinité, qui se reconnaissaient des ancêtres communs.
Les sections que comportent actuellement les communautés quechua procèdent vraisemblablement des anciens ayllu à partir desquels ces communautés ont été créées. La communauté est en effet divisée en deux ou trois sections par des lignes imaginaires. Ces sections sont des unités à la fois territoriales et sociales auxquelles les individus appartiennent de par leur naissance, leur résidence ou leurs intérêts fonciers. En général, l'individu relève de la section de son père qui est aussi celle de sa mère, car les sections sont endogames. Toutes les sections sont égales en droits et en devoirs, et chacune possède ses propres autorités, son propre saint patron, parfois ses propres lieux de culte, qui garantissent son autonomie. Mais, si elles sont égales, les sections ne sont pas pour autant équivalentes. La ligne de départ des sections recoupe la ligne de pente ou coïncide avec elle, de sorte qu'il y a toujours une section de la droite (allauqa) et une section de la gauche (ičoka), ou bien une section du haut (hurin ou qollana) et une section du bas hanan ou kayao), auxquelles s'ajoutent parfois une section intermédiaire (čawpi ou payan). L'organisation binaire allauqa/ičoka apparaît plus fréquemment dans le sud des cordillères, tandis que l'organisation ternaire hanan/čawpi/hurin ou qollana/payan/kayao est plus répandue au nord. Partout cependant, la section du haut ou de la droite jouit d'une prééminence d'ordre cérémoniel. Elle entretient avec les autres sections, le plus souvent alliées, des relations hautement compétitives qui se manifestent à l'occasion des fêtes communautaires et des travaux collectifs. La rivalité traditionnelle qui oppose les sections, s'exprime en particulier dans des jeux tels que la čweka (ou « jeu de la crosse ») qui est pratiquée dans les Andes du Pérou central.
Filiation et mariage
La filiation semble avoir été régie, jusqu'au xviiie siècle, par un système de type parallèle. Ce système, selon lequel les hommes descendent de leur père et les femmes de leur mère, s'est profondément bilatéralisé en accusant toutefois une certaine tendance à la patrilinéarité. La bilatéralisation de la descendance s'est accompagnée d'un remaniement substantiel des rapports de parenté. Ainsi, l'identification du frère de la mère au beau-père et de la sœur du père à la belle-mère, qui suggérerait l'existence d'un ancien modèle d'union préférentielle entre cousins croisés ambilatéraux, a disparu. Mais l'époux de la sœur est toujours distingué du frère de l'épouse, pour être confondu terminologiquement avec l'époux de la fille. De même, les enfants sont toujours distingués selon le sexe du locuteur et non selon leur sexe, tandis que les cousins continuent d'être assimilés aux germains. Les rapports de[...]
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Écrit par
- Henri FAVRE : directeur de recherche au C.N.R.S.
Classification
Média
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