QUECHUA
L'économie
La législation espagnole instituant la communauté prévoyait que celle-ci devait être pourvue d'une assise foncière suffisante pour satisfaire aux nécessités de la population. Les pâturages demeuraient indivis. Les terres de cultures étaient réparties au début de chaque cycle agraire entre les ménages. À la fin du cycle, les parcelles réintégraient le fonds commun qui était à nouveau alloti et distribué au début du cycle suivant. Toutefois, les menaces que ne cessèrent de faire peser les grands propriétaires métis ou blancs sur les tenures collectives, pourtant protégées par la loi jusqu'au xixe siècle, amenèrent peu à peu les Quechua à se saisir privativement des lopins qu'ils détenaient en usufruit et dont ils n'avaient qu'une jouissance précaire. Ce mouvement d'individualisation de la propriété foncière et les modalités par lesquelles elle allait dorénavant se transmettre ont provoqué l'atomisation de bien des terroirs. L'héritage est en effet égalitaire et bilatéral. Les enfants des deux sexes possèdent des droits égaux sur les biens de leur père et de leur mère, et souvent chaque champ compris dans la succession est divisé en autant de lots qu'il y a d'ayants droit.
Le fond des vallées, exposé à des précipitations relativement moins abondantes et protégé du gel et de la grêle, est consacré à la culture du pois, de la fève et du haricot, ainsi qu'à celle de diverses variétés de maïs dont les unes servent à la confection de la kanča (maïs grillé) et d'autres à la préparation du mote (maïs bouilli). Sur les flancs, jadis savamment aménagés en terrasses, s'étagent le blé et l'orge que les Quechua ont empruntés très tôt aux Européens et qu'ils apprécient pour leur résistance aux rudes conditions du climat. Blé et orge sont réduits en poudre, ou mačka, qui est ensuite grillée. Enfin, aux confins de la steppe prend place l'agriculture andine traditionnelle. Elle est caractérisée par une céréale, la kinwa (Chenopodium quinoa) et par plusieurs espèces de tubercules comme la pomme de terre, la mašwa (Tropaeolum tuberosum), l'ulluku (Ullucus tuberosus) et l'uka (Oxalis tuberosa). Ces tubercules sont conservés par déshydratation sous forme de čuñu, après avoir été soumis à des changements brutaux de température. Quant à la steppe où croît par touffes drues une courte graminée, l'iču, elle n'est propre qu'à l'élevage.
Les activités agricoles s'effectuent à l'aide d'instruments rudimentaires tels que la houe (lakwaš) et la bâton à fouir (čakitaqlla), que l'araire tiré par une paire de taureaux tend à remplacer. Le travail des champs commence en septembre, à la veille de la saison des pluies, par le labour et les semailles, et il s'achève avec la récolte, entre mai et juillet. Il met en jeu des systèmes d'entraide qui s'organisent sur la base de la parenté ou du voisinage. L' ayni est une aide réciproque et non cérémonielle. La personne au bénéfice de laquelle l'ayni est réalisé offre aux prestataires de la coca et de l'alcool, mais elle doit restituer à ces derniers l'exacte quantité de travail qu'elle a reçue d'eux lorsqu'ils en feront la demande. En revanche, la minka est une aide cérémonielle et non réciproque. Le bénéficiaire de cette aide se libère de l'obligation de rendre le travail qui lui est fourni en faisant preuve de générosité envers les prestataires, en leur offrant boisson et nourriture en abondance et en les divertissant par des danses et par des chants tout au long du labeur.
L'élevage est toujours étroitement associé à l'agriculture, bien que l'importance de ces deux activités varie en fonction de l'altitude à laquelle se situe la communauté. Mais le troupeau représentant un investissement[...]
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Écrit par
- Henri FAVRE : directeur de recherche au C.N.R.S.
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