QUECHUA
La question quechua
Bien que depuis longtemps intégrés à la société hispano-coloniale qui influença considérablement leur développement culturel, les Quechua n'ont commencé à peser dans la vie politique nationale des États andins qu'à une date relativement récente. Les bouleversements sociaux provoqués au Pérou par la guerre du Pacifique, et en Bolivie par celle du Chaco (1932-1935), ont contribué à faire prendre conscience aux élites blanches des problèmes de leurs compatriotes indiens. L'idéologie indigéniste que ces conflits affermirent a débouché sur des programmes gouvernementaux d'aide et d'assistance aux communautés montagnardes, tendant à résorber les disparités économiques, sociales et culturelles qui les séparent des autres secteurs de la population.
Par ailleurs, la croissance démographique des Quechua et le surpeuplement de leurs terroirs traditionnels sont à l'origine d'amples mouvements migratoires vers les villes que des réformes agraires plus ou moins radicales n'ont pu ni enrayer ni même ralentir. Au Pérou, les migrations ont déplacé des Andes vers la côte le centre de gravité du peuplement et entraîné le décuplement de la population de Lima entre 1940 et 1990. Les tensions qu'engendre la masse croissante de migrants déracinés, le plus souvent sous-employés et concentrés dans d'immenses bidonvilles, se sont transformées en violence, avec l'éclatement, en 1980, de la guérilla du Sentier lumineux, mouvement qui trouva dans ces zones de misère les plus solides de ses bases d'appui.
Les flux migratoires drainent une part plus modeste de l'excédent démographique vers les versants amazoniens de la cordillère andine, qui deviennent l'objet d'une colonisation spontanée. Depuis le milieu des années 1970, la demande croissante de cocaïne en Europe et surtout en Amérique du Nord incite les migrants à développer la culture de la coca dont ces terres chaudes orientales ont été de tout temps productrices. Le prix élevé auquel les narcotrafiquants achètent la récolte de feuilles procure aux petits producteurs, les cocaleros, un revenu annuel de trois à quatre fois supérieur à celui qu'ils obtiendraient de n'importe quelle autre culture. Aussi, les divers programmes de reconversion économique que les gouvernements des pays andins mettent en œuvre – avec une inégale conviction, d'ailleurs – sous la pression des États-Unis suscitent-ils de violentes réactions d'hostilité. Magnifiant la place qu'occupe la coca dans l'univers culturel des Quechua, la population que menacent ces programmes dénonce volontiers en eux une tentative planifiée d'ethnocide.
La crise dans laquelle s'enfoncent les pays andins avec le reste de l'Amérique latine au cours des années 1980 ruine définitivement les espérances longtemps placées par l'indigénisme dans l'intégration sociale et l'assimilation culturelle. Elle favorise le développement d'un processus nouveau de reviviscence ethnique auquel les Quechua prennent part, notamment en Équateur avec l'organisation Ecuarunari qui les représente. Dans ce pays, en association avec d'autres organisations ethniques que rassemble la Confédération des nationalités indiennes d'Équateur (Conaie), les Quechua militent en faveur de la reconnaissance de leurs droits linguistiques, culturels et politiques, ainsi que pour l'instauration d'un État multinational qui s'en porterait garant.
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Écrit par
- Henri FAVRE : directeur de recherche au C.N.R.S.
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