Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

QUEIRÓS JOSÉ MARIA EÇA DE (1845-1900)

Les constantes

Queirós ne cessa de faire le procès satirique du romantisme. Ce sont la poésie et la musique romantiques qui préparent Amélia à se jeter dans les bras du curé de Leiria, concourant ainsi à sa perte ; l'éducation et les lectures romantiques prédisposent Luísa à l'aventure d'une liaison sans lendemain ; l'esthétique romantique explique l'échec d'un poète sincère (Alencar, dans Les Maia). Le romantisme pare les objets et les gens de vertus qu'ils n'ont pas. Il est trompeur comme la beauté et comme l'amour. Et la méfiance de l'amour ne cesse de s'exprimer, elle aussi, tout au long de l'œuvre d'Eça, à la manière de la moralité des fables, par des signes, des rêves et des symboles, voire par des aventures et des anecdotes, tragiques ou comiques, mais à la vérité étonnantes chez un réaliste soucieux de vraisemblance. La contradiction est surtout manifeste dans La Tragédie de la rue des Fleurs, roman inédit jusqu'en 1980, dont l'édition suscita une violente polémique : l'intrigue romanesque conduit au suicide de la femme passionnée, éprise d'un jeune homme qui s'avère être son propre fils. Leçon, le châtiment de Vénus par Cupidon masqué.

Cette méfiance vis-à-vis de l'amour contribue à faire apparaître la physionomie véritable de Queirós. Il emprunte souvent la voix des moralistes les plus rigoristes. Mais sa manière de voir et d'écrire – ironique, blessante, hilarante – est à l'opposé du style édifiant. Ce désaccord contribue à son originalité et à son succès. Il explique aussi un malentendu : l'ironie féroce de Queirós empêcha qu'on reconnût en lui un véritable conservateur. C'est pourquoi les esprits libres et les hommes de gauche l'ont adopté, malgré la leçon procolonialiste de L'Illustre Maison des Ramirès et sa cuisante satire des révolutionnaires républicains et socialistes dans un chapitre de La Capitale (A Capital). En vérité, Queirós n'aura été un homme de gauche que pendant sa jeunesse, entre deux périodes de sa vie : celle du cabotinage romantico-extravagant des écrits recueillis dans le volume intitulé Proses barbares (Prosas Bárbaras), et les débuts de sa carrière consulaire. Après le cabotinage, le socialisme a pu lui fournir le moyen de se distinguer ; il donnait, en outre, un sens de révolte à la répugnance qu'inspiraient au jeune écrivain la petitesse et le cléricalisme des villes de province. Lorsque les portes d'une carrière se furent ouvertes devant lui, il ne demeura intégralement fidèle qu'à son aversion envers le catholicisme et à son désir de distinction, et ne cessa de marquer ses distances vis-à-vis de ses anciens amis des écoles littéraires, des partis politiques, et même de ses anciennes amours, dont la France et la culture française. Son horreur viscérale de la médiocrité et de la cagoterie, son antichristianisme, surtout dans La Relique, rapprochent de Nietzsche cet écrivain éminemment portugais, mais disciple à la fois de Balzac, de Flaubert et de Zola.

— António COIMBRA MARTINS

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Autres références

  • LES MAIA, José-Maria Eça de Queirós - Fiche de lecture

    • Écrit par
    • 1 028 mots

    Œuvre majeure de l'écrivain portugais José-Maria Eça de Queirós (1845-1900), le roman intitulé Les Maia (Os Maias, Episódios da vida romántica), fut publié en 1888, à Porto. Il semble avoir été le point de départ et le prétexte d'une critique sociale acerbe du Portugal de la...

  • PORTUGAL

    • Écrit par , , , , , , et
    • 39 954 mots
    • 24 médias
    ...d'idées européens. Les personnalités de ce groupe, le poète Antero de Quental, le polygraphe et critique littéraire Teófilo Braga, le romancier Eça de Queirós, l'historien Oliveira Martins, ne suivront pas un même itinéraire spirituel. Antero do Quental (1842-1891), auteur des Primaverasromânticas...