TARANTINO QUENTIN (1963- )
En l'espace de deux films, ReservoirDogs (1992) et Pulp Fiction (1994), dont le retentissement tant critique que public et médiatique fut considérable, Quentin Tarantino s'est imposé comme un des cinéastes américains les plus talentueux, mais aussi comme le plus représentatif d'une relation nouvelle aux images, aux codes de la fiction et à la cinéphilie. Dans sa biographie, Quentin Tarantino, Shootingfrom the Hip (1995), Wensley Clarkson note que le cinéaste offre l'exemple unique d'une popularité digne d'une star du rock, et seulement comparable au phénomène que suscita la révélation du jeune Orson Welles.
Le mélange des genres
C'est dans un vidéoclub de la banlieue de Los Angeles, où il trouva un poste de vendeur en 1981, que Quentin Tarantino, né le 27 mars 1963 à Knoxville (Tennessee), a mûri son inspiration. Particulièrement riche en films peu diffusés ou devenus rares aux États-Unis, le magasin Video Archives devint le temple de la cinéphilie anticonformiste du futur cinéaste, fan de Stanley Kubrick, Brian de Palma, Martin Scorsese, mais aussi de Jean-Luc Godard et Jean-Pierre Melville, ainsi que de cinéastes plus obscurs spécialisés dans les films d'action de série B ou Z. Outre son éclectisme débridé, la spécificité de cette culture vidéo, par le type même de visionnement qu'elle permet (repasser à loisir les mêmes scènes), marqua les qualités particulières du style de Tarantino. Celui-ci se caractérise avant tout par une parfaite connaissance des conventions du cinéma de genre, dont il joue avec une grande liberté, pour les détourner de façon ludique ou en exacerber le caractère légendaire : histoire d'un hold-up raté, ReservoirDogs, son premier film, possède à la fois l'authenticité du cinéma classique dont il porte l'empreinte (L'Ultime Razzia de Kubrick en est un des modèles) et le brio caractéristique d'une reformulation théâtralisée du film noir. Sur un matériau romanesque à peine renouvelé, Pulp Fiction raffine encore cet art d'opérer – tant au niveau plastique que dans le scénario – une sorte de synthèse d'un imaginaire cinématographique très codifié, sans rien perdre du plaisir de se laisser prendre au jeu de la fiction. Trouvant leur cohérence dans le jeu des contrastes, les films de Tarantino ont mené de front une approche de la violence (directe, mais presque dédramatisée et parodique comme on le voit encore avec Boulevard de la mort, 2007) et un culte de la parole (crue, volontiers stupide, mais obsessionnelle et façonnée comme un brillant exercice de style) qui suppose un grand savoir-faire dans la direction d'acteurs, comme le montre l’interprétation que donne Christoph Waltz du SS Hans Landa dans InglouriousBasterds (2009).
La formation du cinéaste par la vidéo lui a assuré d'autre mérites : un regard attentif à la forme (découpage, valeur des plans), qu'il maîtrisa dès son premier film avec une aisance spectaculaire qu'il sut transformer en une réelle élégance ; un certain fétichisme de la citation : les gangsters en costumes noirs de ReservoirDogs sont de parfaites silhouettes à la Melville, l'actrice Uma Thurman est coiffée dans Pulp Fiction comme l'Anna Karina des films de Godard ; enfin, un don pour créer des scènes ou dialogues qui deviendront eux-mêmes des scènes fétiches – la danse dans le restaurant de Pulp Fiction, clin d'œil aux débuts de John Travolta, dont Tarantino a su refaire une idole, signe d'une étonnante capacité à (re)produire des images populaires en leur apposant sa signature personnelle.
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Écrit par
- Frédéric STRAUSS : journaliste
Classification
Média
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