BOUFFONS QUERELLE DES
L'influence des Italiens
Les passions soulevées par l'arrivée des Bouffons italiens à Paris ne furent pas vaines, car l'influence exercée par leur style sur l'opéra-comique français fut féconde. L'opéra-comique se limitait jusqu'alors à la comédie à ariettes, mise à la mode par des compositeurs comme Gillier, Mouret, Saint-Sevin, Corrette, Blaise, par des librettistes et adaptateurs comme Lesage, D'Orneval, Piron, Fuzelier, Panard et surtout Favart qui, en 1741, avait obtenu, à la foire Saint-Germain, son premier grand succès avec sa Chercheuse d'esprit. Dans l'exemple des musiciens italiens, Favart puisa une plus grande variété d'expression dans les airs, les duos, les ensembles. La musique qui jusqu'ici, dans ces petits opéras-comiques, représentés sur les théâtres des foires Saint-Laurent ou Saint-Germain, n'avait qu'un rôle secondaire devint l'élément le plus important et exprima avec plus de vérité le caractère des personnages qui évoluaient sur scène.
Jean-Jacques Rousseau fut le premier à appliquer ce genre nouveau dans son Devin de village, créé en octobre 1752, devant la Cour, à Fontainebleau, et donné pour la première fois à l'Opéra le 1er mars 1753 avec un succès qui devait se prolonger jusqu'en 1829. Des musiciens comme Blavet avec son Jaloux corrigé et Dauvergne avec ses Troqueurs suivirent cet exemple.
La querelle des Bouffons prendra en 1753 un tour plus passionné encore, à la suite de la Lettre sur la musique française publiée par Jean-Jacques Rousseau. Dans cette lettre, tout comme dans son Dictionnaire de musique et dans sa Nouvelle Héloïse, à l'instar de Grimm qui reprochait à l'opéra français d'être « un faux genre où rien ne rappelle la nature », Jean-Jacques Rousseau se fit le champion de cette « nature » que l'on découvrait non seulement dans la musique, mais également dans la littérature et la philosophie. Il y condamnait la musique française, en s'élevant contre tout le conventionnel des représentations d'opéras, contre les airs à roulades sans aucun rapport avec les sentiments exprimés par les chanteurs, contre tout l'apparat souvent ridicule des scènes à machines et à transformations, contre les éclats vocaux et les excessives gesticulations des interprètes, contre la bruyante exécution de l'orchestre, contre l'absence d'action dramatique, contre l'abus d'une mythologie ressassée, contre la pompeuse niaiserie des paroles des poèmes et enfin contre l'infériorité de la langue.
Ces critiques virulentes de Rousseau sur l'opéra classique français étaient fondées, mais leur auteur, dans son intransigeance, a quelque peu noirci le tableau ; bien des productions froides, ennuyeuses, sans âme, dues à de médiocres compositeurs avaient envahi la scène lyrique française après la mort de Lully, mais un grand musicien, Jean-Philippe Rameau, conservait à l'opéra son prestige. Partisan du vrai en musique, Rameau s'en rapportait à la nature pour exprimer dans ses opéras des sentiments, un climat, une atmosphère. Mais la nature chez lui était savamment adaptée, elle était magnifiée par la brillante harmonie qui la traduisait, alors que ses adversaires souhaitaient une identification à une nature simple, naïve, sans recherche. Cette richesse harmonique, associée à la mélodie la plus subtile, que nous admirons tant aujourd'hui chez Rameau, lui était alors reprochée.
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Écrit par
- Jacques GHEUSI : critique musical
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