Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ALSACE-LORRAINE QUESTION D'

Le point de vue allemand

Officiellement, il n'y a pas de question d'Alsace-Lorraine. L'Allemagne prétend l'avoir résolue à Francfort en reprenant les terres germaniques qui vont des Vosges au Rhin. Les Alsaciens se plaignent-ils ? « Nous, Allemands, savons mieux ce qui est bon pour les Alsaciens que ces malheureux eux-mêmes... », écrit alors Treitschke qui reflète la pensée de la caste militaire et de l'empereur. Officieusement, les opinions sont plus nuancées. Bismarck, tirant la leçon de l'épopée napoléonienne, voit en Strasbourg un verrou stratégique, tout en mesurant l'erreur de 1871 : « En vous enlevant Metz et une partie de la Lorraine, l'empereur mon maître et les militaires qui lui ont imposé cette solution ont commis la plus grosse des fautes politiques », aurait-il confié en 1878 au marquis de Gabriac, chargé d'affaires français à Berlin. Mais, puisque officiellement il n'y a pas de problème, on procède aussitôt à la germanisation des territoires annexés. La loi du 9 juin 1871 en fait un Reichsland, « terre d'Empire », administré de Berlin par l'intermédiaire du Statthalter, le gouverneur de Strasbourg, qui a le droit de perquisitionner, d'expulser et d'interdire réunions publiques et journaux : c'est l'article 10 de la loi du 30 décembre 1871, dit « paragraphe de la dictature ». L'allemand devient langue obligatoire (1871), l'enseignement du français est supprimé dans les classes primaires (1872). En dépit de ces dispositions très dures, les fonctionnaires reçoivent des instructions conciliantes. Le Reichsland bénéficie d'une certaine autonomie : les lois françaises y restent en vigueur, et notamment le Concordat de 1801.

Cette politique se solde par un échec : en 1887, tous les élus du Reichstag sont des protestataires. Berlin prend alors un train de mesures brutales : dissolution des associations alsaciennes, arrestations, interdiction des inscriptions françaises sur la voie publique, enfin institution des passeports coupant les contacts avec la France à partir de 1891. L'efficacité de ces mesures paraît telle aux Allemands qu'ils relâchent leur politique de rigueur : la presse recouvre une certaine liberté ; et même, en 1911, une constitution est octroyée au pays : l'Alsace-Lorraine, tout en restant terre d'Empire gouvernée par le représentant de l'empereur, est dotée de deux Chambres dont la première, entièrement à la dévotion du gouvernement, neutralise la seconde, élue au suffrage universel. Malgré ces concessions se multiplient les incidents, dont le plus célèbre sera l'affaire de Saverne (1913) : la logique du monde officiel allemand est confondue par l'échec de la germanisation en Alsace.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : licenciée ès lettres
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Média

Allemagne, 1870-1871 - crédits : Encyclopædia Universalis France

Allemagne, 1870-1871

Autres références

  • ALLEMAGNE (Histoire) - Allemagne moderne et contemporaine

    • Écrit par et
    • 26 883 mots
    • 39 médias
    ...Polonais d'acheter de la terre, en favorisant au contraire son acquisition par des Allemands : politique qui se soldera par un échec. Il en est de même en Alsace-Lorraine. Le Reichsland a dès le début refusé l'annexion, comme en témoignent le nombre (160 000) des optants pour la France et l'envoi au Reichstag...
  • BISMARCK OTTO VON (1815-1898)

    • Écrit par
    • 4 879 mots
    • 3 médias
    ...catholiques et les socialistes, il existe encore une troisième catégorie d'adversaires contre lesquels Bismarck engage la lutte : ce sont les protestataires, Alsaciens-Lorrains et Polonais. Contre les premiers, Bismarck use tout d'abord de la rigueur, les soumettant à la dictature d'un Oberpräsident...
  • HOHENLOHE CHLODWIG, prince de Hohenlohe-Schillingsfürst (1819-1901)

    • Écrit par
    • 437 mots

    Appartenant à une famille princière souveraine médiatisée, Hohenlohe-Schillingsfürst, après des études de droit, se destine à la carrière diplomatique au service de la Prusse. Une convention successorale avec son frère aîné lui attribue le majorat bavarois de Schillingsfürst et fait de...

  • HOHENLOHE HERMANN, prince de Hohenlohe-Langenburg (1832-1913)

    • Écrit par
    • 319 mots

    Après des études de droit à Lausanne, Hohenlohe-Langenburg embrasse la carrière militaire et sert dans différentes armées : wurtembergeoise, autrichienne, badoise. Il finira général prussien en 1870. Membre de la Chambre des seigneurs du Wurtemberg, il œuvre, à partir de 1866, pour l'unité allemande...

  • Afficher les 9 références