ALSACE-LORRAINE QUESTION D'
La situation en Alsace
Un choix tragique : le traité de Francfort donne aux Alsaciens-Lorrains jusqu'au 31 octobre 1872 pour se prononcer en faveur de leur citoyenneté française et quitter le pays ; passé ce délai, ils seront considérés comme sujets allemands. On évalue à deux cent cinquante mille le nombre des optants. Mais ceux qui restent ne se résignent pas, et créent la Ligue d'Alsace, dont le mot d'ordre est « Protestation et Abstention » : des jeunes gens se dérobent au service militaire ; en 1873, un vingtième seulement des électeurs de Mulhouse et Colmar votent pour la formation des Conseils généraux. En 1874, après la protestation de Bordeaux, voici celle de Berlin : « Plaise au Reichstag que les populations d'Alsace-Lorraine, incorporées sans leur consentement à l'Empire allemand par le traité de Francfort, soient appelées à se prononcer d'une manière spéciale sur cette incorporation », demande courageusement Édouard Teutsch, membre de la Ligue. Mais bientôt surgit en basse Alsace un parti « autonomiste » qui s'oppose à celui de la protestation. À sa tête, Auguste Schneegans, ancien député de Bordeaux, optant rentré en 1874, propose un programme positif de gouvernement local et combat l'action politique de l'Église catholique. Aux élections de 1877, Schneegans bat Teutsch à Saverne. La vieille querelle entre protestants et catholiques est rouverte, le particularisme alsacien ne désarme pas malgré la gravité des circonstances, et c'est bien là un aspect curieux du drame tel qu'il se déroule en Alsace : divers courants se chevauchent, créant une situation extrêmement confuse qui explique l'absence de plan concerté et le fait que les incidents revêtent souvent un caractère individuel. Vers la fin du siècle, la résistance faiblit par suite du progrès social, de l'essor économique, et de l'arrivée à l'âge politique d'Alsaciens n'ayant pas connu la France. Pourtant la protestation se manifeste encore à travers des personnalités comme l'abbé Wetterlé pour les catholiques, le docteur Ricklin pour les protestants, Jacques Preiss pour les indépendants. La lutte se politise de 1903 à 1907 (élaboration de projets constitutionnels, formation de partis), sans entraîner les masses, plus sensibles à l'esprit satirique anti-allemand de la presse locale. Les incidents populaires qui éclatent à Wissembourg (manifestations en l'honneur des Français tombés en Alsace), à Schirmeck, Graffenstaden, Saverne inquiètent davantage les Allemands que l'opposition verbale. À travers eux se révèle enfin la véritable image de l'Alsace, si différente de celle que montre l'histoire événementielle. C'est l'Alsace de Hansi et de Zislin, retranchée dans son particularisme pour faire échec à la germanisation, qui remet son dialecte à l'honneur grâce à des écrivains comme Stoskopf et manifeste son attachement à ses traditions en créant le Musée alsacien. L'adversité l'a obligée à s'interroger, à se chercher, à se trouver finalement comme elle va le prouver pendant la guerre de 1914-1918.
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Écrit par
- Françoise LÉVY-COBLENTZ : licenciée ès lettres
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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