ORIENT QUESTION D'
Les intrigues russes : jusqu'à la convention des Détroits (1815-1844)
Les désirs du sultan ne peuvent être réalisés dans l'immédiat : l'opposition interne est toujours aussi vive, mais surtout de nouvelles révoltes éclatent dans les Balkans, soutenues par les Russes. Ceux-ci encouragent en effet en Serbie et en Grèce les mouvements nationaux dans leur lutte pour l'indépendance, visant ainsi non seulement à affaiblir l'Empire ottoman mais aussi à substituer leur protection à celle des Turcs et à atteindre la Méditerranée.
Les révoltes dans les Balkans (1815-1821)
Dès 1815, l'insurrection éclate encore en Serbie, dirigée par Milan Obrénovitch : dix ans de guérilla aboutissent au traité d'Akkerman en Ukraine (octobre 1826), qui renouvelle la paix de Bucarest, mais ce n'est qu'avec la paix d'Andrinople (14 septembre 1829) et surtout la promulgation du hatt-i sherif (édit impérial) du 29 août 1830 que l'autonomie de la Serbie est solennellement reconnue par le sultan.
En Grèce, les échos de la Révolution française avaient soulevé l'enthousiasme des intellectuels et éveillé le désir de l'indépendance ; le poète Constantin Rhigas avait fondé la première société patriotique, l'Hétairie. Il escomptait même l'intervention de Bonaparte après ses victoires en Italie. Déçu dans cet espoir, Rhigas se lance alors dans l'action directe contre les Ottomans : arrêté peu après, il est exécuté (1798). Sa société se replie et ne reprend son activité qu'après le congrès de Vienne, sous le nom d'Hétairie des amis. Elle cherche des appuis auprès des insurgés des Balkans, mais ceux-ci sont trop occupés par leurs propres affaires pour aider les Grecs qui s'adressent alors aux Russes. Ces derniers leur fournissent un chef, qui doit se mettre à la tête de l'insurrection lorsqu'elle se déclenchera, le prince Alexandre Ypsilanti, aide de camp du tsar, qui arrive en février 1821 en Moldavie où il cherche à soulever la population : c'est un échec total, qui entraîne une sévère répression. Au même moment, les congrès de Laybach (Ljubljana, en Slovénie) et de Troppau (en Silésie) condamnent les mouvements insurrectionnels : Ypsilanti, désavoué par les Russes et vaincu par les Turcs, abandonne la partie.
Les Grecs n'ont toutefois pas renoncé à leur lutte : le 25 mars 1821, l'archevêque de Patras, Germanos, proclame la guerre de libération nationale, qui se traduit immédiatement par des massacres de Turcs en Morée, suivis de massacres de Grecs à Constantinople. Le 12 janvier 1822, à Épidaure, l'assemblée des députés grecs proclame l'indépendance de la Grèce et choisit comme président Alexandre Mavrocordato. En avril se produisent les massacres de Chio et peu après, Ali de Tébélen étant mort, les Turcs réoccupent l'Épire. L'insurrection grecque apparaît isolée diplomatiquement car, en vertu des principes de la Sainte-Alliance, les Russes ne peuvent officiellement intervenir, d'autant qu'Anglais et Autrichiens veillent à ce qu'ils ne puissent étendre davantage leur influence vers l'Adriatique et la Méditerranée. Cependant, les Grecs reçoivent l'aide de nombreux volontaires étrangers (les Philhellènes), notamment des libéraux anglais comme lord Byron et français tel le colonel Fabvier, et remportent des succès sur les troupes du sultan. Celui-ci fait alors appel à Mehmed Ali, qui a déjà rétabli le pouvoir ottoman sur la Crète. Commandées par Ibrahim Pacha, les troupes égyptiennes obtiennent en Morée de nettes victoires ; Ibrahim Pacha entreprend de déporter des Grecs en Égypte, ce qui lui aliène la sympathie des Français et provoque le renforcement de l'activité des comités philhellènes.
L'indépendance de la Grèce (1826-1832)
De crainte que l'insurrection grecque[...]
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Écrit par
- Robert MANTRAN : membre de l'Institut, professeur émérite à l'université de Provence-Aix-Marseille-I
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