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QUESTIONNAIRE, sociologie

Avec l’observation et l’entretien, l’enquête par questionnaire fait partie des instruments dont le sociologue se sert pour « faire son terrain » et recueillir les éléments nécessaires à la construction de son objet (un groupe, une institution, une activité, des pratiques ou des représentations). L’enquête par questionnaire apparaît souvent comme une méthode plus scientifique dans la mesure où elle nécessite des compétences statistiques que le sociologue ne maîtrise pas toujours. De fait, la réflexion épistémologique autour de cette méthode est trop souvent réduite à des considérations techniques ou statistiques au détriment d’une réflexivité portant sur l’usage de cette méthode et des effets qu’elle provoque sur les résultats de l’enquête sociologique. Son usage se confond avec l’histoire des sciences sociales et, dans un premier temps, avec celle de l’anthropologie.

L’enquête par questionnaire devient un instrument de connaissance « scientifique » des populations étudiées par les anthropologues dans les Considérations sur les diverses méthodes à suivre dans l’observation des peuples sauvages, rédigées par Joseph-Marie de Gérando en 1800. Pour la première fois, un « tableau » hiérarchise par ordre d’importance les questions qu’un « voyageur » doit nécessairement se poser pour étudier systématiquement un « peuple sauvage ». Dès cet ouvrage, on retrouve certains éléments qui définissent encore aujourd’hui un questionnaire. D’une part et comme son nom l’indique, il s’agit d’un ensemble de questions ordonnées en fonction des préoccupations du chercheur. D’autre part, il exprime une relation entre deux mondes étrangers l’un à l’autre avant cette opération de recherche : celui de l’enquêteur et celui des enquêtés.

En 1895, Émile Durkheim énonce dans Les Règles de la méthode sociologique la nature de la relation que le sociologue doit entretenir avec son objet : « il faut traiter les faits sociaux comme des choses ». Les faits sociaux, qui constituent l’objet propre de la sociologie, ont une existence indépendante des agents sociaux et s’imposent à eux de l’extérieur. Par conséquent, le sociologue doit les étudier à la manière des physiciens, des chimistes ou des physiologistes : « Il faut qu’en pénétrant dans le monde social il ait conscience qu’il pénètre dans l’inconnu ; il faut qu’il se sente en présence de faits dont les lois sont aussi insoupçonnées que pouvaient être celles de la vie, quand la biologie n’était pas constituée. » Afin d’éviter toute spéculation ou de les étudier par introspection, le sociologue a recours à des instruments d’ objectivation de la réalité sociale et, au nombre de ceux-ci, à l’enquête par questionnaire, de plus en plus utilisée à partir des années 1930.

Comme l’entretien et l’observation, le questionnaire est, il ne faut jamais l’oublier, une relation sociale qui n’est pas sans effet sur les trois phases qui composent cette opération de recherche : l’élaboration, l’administration et le traitement. Chacune de ces phases présente ses propres obstacles. Dans la phase d’élaboration, le rapport à l’objet est encore encombré par les a priori, les préjugés et les représentations qu’impose la fréquentation du monde social. Le questionnaire constitue un effort pour substituer une connaissance informée sociologiquement à cette connaissance première, partiale et partielle. Le chercheur établit une liste de questions correspondant à une première construction de son objet et à la formulation d’hypothèses de travail que le questionnaire doit lui permettre de tester. Deux séries de questions sont alors requises : une première série portant sur les opinions, les pratiques et les connaissances des agents sociaux, l’ensemble apportant des connaissances du « terrain » ; une seconde série portant sur les agents sociaux eux-mêmes (données[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences en science politique, université Paris Nanterre

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