QUESTIONS DE STYLE. FONDEMENTS D'UNE HISTOIRE DE L'ORNEMENTATION (A. Riegl) Fiche de lecture

De la pure forme au spectateur

À la suite de Questions de style, Riegl ouvrira dans chacun de ses livres des perspectives fécondes, qui orientent aujourd'hui encore de nombreuses recherches. Dans l'ouvrage qu'il consacre à l'art artisanal du Bas-Empire romain (Die Spätrömische Kunstindustrie, 1901), Riegl cherche une nouvelle fois à montrer comment l'objet d'art parvient, au terme d'un long processus, à trouver son autonomie. La présence du spectateur et les modalités de son implication dans la structure du tableau sont au centre du Portrait de groupe hollandais (1902) : un pan de la « théorie de la réception » chez l'historien allemand Wolfgang Kemp prend sa source dans cet ouvrage. Enfin, le court essai sur Le Culte moderne des monuments (1905) contient une analyse extraordinairement fine de la multiplicité des « valeurs » en jeu dans la conscience patrimoniale moderne, au moment où naissent les politiques publiques de protection des monuments. Riegl y révèle de quelle manière une histoire des valeurs se superpose à celle des productions artistiques.

Pour Panofsky, qui fut un lecteur attentif et critique du Viennois, il y avait deux ruptures fondamentales dans l'histoire de la théorie de l'art, sur lesquelles sa propre réflexion trouvait d'ailleurs ses points d'appui : le moment kantien, et celui de Riegl. Max Weber et Walter Benjamin ont su rendre hommage à l'histoire de l'art à la fois empirique et hautement spéculative de Riegl. La lecture des écrits du Viennois fut en effet essentielle pour Benjamin, au point que certaines de ses formulations théoriques les plus importantes, son Origine du drame baroque allemand ou encore son célèbre essai sur « le déclin de l'aura », trouvent leur source chez Wickhoff et Riegl.