QUINTILIEN, lat. MARCUS FABIUS QUINTILIANUS (30-96)
Marcus Fabius Quintilianus est né à Calagurris (Calahorra) en Espagne. Fils de rhéteur, il fait ses études à Rome, où il reviendra se fixer après un séjour en Espagne de 60 à 69. Avocat en vue, il ouvre une école de rhétorique qui attire les enfants des meilleures familles : Pline le Jeune sera de ses élèves. La qualité de son enseignement lui vaut d'être parmi les premiers rhéteurs auxquels, sous Vespasien, l'État assure un traitement. Il sera aussi le précepteur des deux neveux de Domitien. Son enseignement oral, Quintilien le complète par deux œuvres didactiques ; mais son traité sur les Causes de la corruption de l'éloquence (De causis corruptae eloquentiae) est perdu, seul subsiste en entier son ouvrage Sur la formation de l'orateur (De institutione oratoria, 92-94), qui présente en douze livres un programme complet d'éducation. Quintilien prend l'orateur dès le berceau et trace des règles tant pour l'enseignement primaire que pour l'enseignement de la grammaire (liv. I) ; il passe alors à la définition et au rôle de la rhétorique (liv. II), en expose les divisions classiques (invention, disposition, élocution), distingue les divers genres d'éloquence : démonstratif, délibératif, judiciaire (liv. III). Vient ensuite l'examen détaillé de la composition du discours et de ses parties : l'exorde et la narration (liv. IV), l'argumentation et la réfutation (liv. V), la péroraison (liv. VI) ; puis c'est l'étude de la disposition (liv. VII), de l'élocution (liv. VIII), des figures de pensées et de mots (liv. IX), de l'entraînement oratoire et des auteurs à pratiquer (liv. X), de la mémoire et de l'action (liv. XI), enfin des qualités indispensables à l'orateur : moralité et culture philosophique, juridique et historique (liv. XII).
Sa double expérience d'avocat et de professeur lui permet d'éviter les excès et les subtilités de la théorie ; au contraire, il lie étroitement l'éloquence à la morale et à la vie. Sa pédagogie s'appuie sur une observation aiguë de la psychologie des enfants, de leurs aptitudes et de leurs besoins. Il recommande l'école publique qui, mieux que l'éducation en famille, laisse place chez les enfants à l'émulation et au contrôle réciproque. S'il réintègre dans l'éducation le sens de l'effort, il insiste en même temps sur la nécessité de graduer les exercices scolaires. Pour les déclamations, il proscrit les sujets étranges, tels que ceux qui fleurissaient en son temps, et exige des sujets qui soient toujours proches de la vie réelle.
Le pédagogue en lui se double d'un écrivain et d'un critique littéraire. Il n'hésite pas à condamner sévèrement les travers du maniérisme contemporain et s'attaque à Sénèque, pris comme le représentant le plus éminent du goût qu'il réprouve. Il prône le retour au classicisme et voue un véritable culte à Cicéron. Cicéron est pour lui le modèle de l'éloquence et c'est à lui qu'il emprunte aussi bien ses théories que la quasi-totalité de ses exemples. Lui-même pourtant n'a pu manquer de subir, dans sa langue mêlée, dans son style orné, l'influence des habitudes et des modes de son temps. Pédagogue et écrivain avisé, Quintilien manque singulièrement de sens historique. Il ne comprend pas que les véritables causes du déclin de l'éloquence qu'il déplore ne tiennent ni aux orateurs eux-mêmes ni aux défauts de leur éducation, mais bien aux changements intervenus dans la vie politique et sociale de la Rome impériale.
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Écrit par
- Marcel BÉNABOU : docteur ès lettres, maître de conférences à l'université de Paris-VII
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