QUMRĀN
Un demi-siècle de publication
La récupération des fragments ne fut pas facile. Au fur et à mesure de leur acquisition (aux bédouins) par le gouvernement jordanien, on les déposa dans une salle réservée, la scrollery (de l'anglais scroll, « rouleau »), au Musée archéologique de la Palestine, à Jérusalem-Est. Et l'on se mit vite à la publication. Les sept rouleaux de la grotte no 1 furent très vite publiés, d'une façon brute et sans apprêt. Dans un premier temps, on se contenta de reproductions photographiques des documents, accompagnées de leur transcription. Puis afflua la masse des milliers de fragments, dans l'éclatement et le désordre, surtout ceux de la grotte no 4. La tâche éditoriale était inédite et passionnante, complexe et périlleuse. Les écrits recueillis avaient subi les dommages du temps. Ils souffrirent aussi des manipulations ravageuses après leur découverte. En théorie, publier un document exigeait qu'on le restituât dans son état initial. Chose volontiers impossible vu le nombre des avaries et l'importance des lacunes. Il n'y avait au début ni méthode ni règle. On dut nettoyer et déchiffrer les restes, rapprocher puis recoller les morceaux ; souvent reconstituer le texte. Il fallut du génie. On ne disposait que des yeux, de la brosse, et si besoin la loupe ; la mémoire et le flair ou l'intuition. Très vite, on fit d'excellentes photos, aux infrarouges et aux ultraviolets. Malgré la modestie des moyens, les premières années connurent des résultats fulgurants, avec peu de gens et moins encore d'outils sinon d'argent. Mais l'état de grâce eut une fin. Vint une longue période de stagnation apparente, à la vérité bien plus productive qu'on ne l'a dit. Elle correspondit aux temps d'une maturation latente des données et des problèmes. Elle fut marquée, de plus, par la nouvelle conjoncture politique et les conflits afférents qui embrasèrent le pays après le retrait de l'administration et des troupes britanniques, le 14 mai 1948. Deux dates, 1956 (guerre du Sinaï, avec transfert provisoire des manuscrits à Amman) et 1967 (guerre de Six Jours, avec la récupération des rouleaux par les Israéliens) demeurent des repères marquants dans cette histoire longue et tourmentée.
Commencée en 1950 (pour les pièces de la grotte no 1) mais surtout en 1953 avec une équipe internationale constituée, la publication des rouleaux et des fragments était achevée un demi-siècle plus tard, à la fin de 2001. Objectivement, ce n'est pas trop. On peut distinguer trois étapes. De 1953 à 1960, l'enthousiasme et le dynamisme furent constants et les résultats surprenants. En 1955 parut à Oxford le premier volume (il y en aura une quarantaine en tout) de l'impressionnante série présentant l'édition princeps : Discoveries in the Judæan Desert. De 1960 à 1985 vint l'heure de l'essoufflement et du ralentissement, accentués par l'attentisme préconisé par les chancelleries occidentales après la guerre de Six Jours. Stockés à Jérusalem-Est dans le Musée archéologique de la Palestine que la Jordanie venait juste de nationaliser, les textes dans leur quasi-totalité (à l'exception du Rouleau de cuivre et de quelques fragments, toujours à Amman) étaient prise de guerre israélienne. De 1985 à 2002, ce fut le réveil et l'achèvement. L'équipe chargée de l'édition des textes s'élargit alors considérablement : de moins de dix membres dans les débuts, elle atteint cinquante puis quatre-vingt-dix-huit au total, avec une représentation féminine notable. Autre fait marquant, l'entrée en force de savants israéliens, hommes et femmes et hautement compétents.
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Écrit par
- André PAUL : bibliste
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