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QUMRĀN

Une bibliothèque diversifiée

Dans leur grande majorité, les rouleaux étaient de parchemin, une centaine seulement de papyrus. De 13 à 15 p. 100 des textes sont en araméen, la langue courante du pays depuis la conquête perse, fin vie siècle avant J.-C. Le reste est en hébreu, la langue littéraire et cultuelle, déclarée sainte. Quelques fragments ou bribes sont en grec. On considère l'ensemble comme très largement littéraire, non documentaire. Il ne s'y trouve en effet ni lettres, ni factures, ni contrats. Il s'agit d'une bibliothèque, dont on ne saura peut-être jamais l'origine.

Le classement des rouleaux et des fragments autrement que par grottes ne va pas de soi. On peut d'abord mettre à part ceux que l'on considère comme bibliques, autrement dit présents dans nos Bibles : entre 23 et 25 p. 100, ce qui correspond à quelque deux cents rouleaux différents. À l'exception du livre d'Esther, et encore, car il a pu disparaître dans le temps, tous les livres du corpus judaïque des livres saints se trouvent attestés. Beaucoup sont représentés par plusieurs voire de nombreux exemplaires. Ainsi, vingt de la Genèse, dix-sept de l'Exode, quatorze du Lévitique, une trentaine du Deutéronome et des Psaumes. Le plus ancien de ces témoins, un fragment de Samuel, est daté du milieu du iiie siècle avant J.-C. Mais la plupart sont un peu plus récents, sans dépasser toutefois le milieu du ier siècle de notre ère. Il est acquis qu'aucun texte chrétien n'y figurait. Les plus anciens manuscrits de la Biblia hebraica que l'on possédait auparavant datent du xe siècle chrétien. Ajoutons que l'on a retrouvé l'original hébraïque de Ben Sira et les versions en hébreu et en araméen de Tobit. Ces deux livres sont absents du corpus judaïque, mais reçus dans les Bibles chrétiennes, du moins catholiques, par le canal de la version grecque des Septante.

Pour une très large part, le reste des rouleaux, « non bibliques » dit-on, environ les deux tiers de l'ensemble, se présente plus ou moins comme des relectures ou réécritures, prolongements ou commentaires, réfections ou systématisations de traditions et de formes réellement « bibliques ». On est en présence d'un ample conservatoire littéraire, avec en amont un riche laboratoire où se croisent différents courants de pensée et d'idéaux de la société judaïque préchrétienne. Ce qui n'a été acquis que progressivement, et pour certains éléments récemment. À la fin des années 1980 et plus encore au long des années 1990, on a perçu que bien des textes n'entraient guère dans le cadre des écrits « sectaires », « esséniens » ou « communautaires » qui, avec des traits et formules spécifiques, ne sont environ qu'une centaine. Ainsi, un important corpus de prières du iie ou ier siècle avant J.-C. s'est trouvé mis au jour et publié. On compte en tout quelque deux cents psaumes, hymnes et autres pièces liturgiques « non bibliques » dans la bibliothèque de Qumrān. Voilà une quinzaine d'années, on fit une découverte dans les découvertes : une collection de livres de sagesse, qui mobilisent toujours les chercheurs. Bref, dans cette masse littéraire, le christianisme de Jésus de Nazareth et celui de Paul de Tarse se perçoivent çà et là en formation, ainsi que, de quelque façon, le judaïsme rabbinique. Le courant mystique menant à la Kabbale se manifeste nettement. Une gnose véritable, judaïque, évolue entre autres sous les habits d'un dualisme cosmique et d'une sagesse élitiste. Longtemps majoritaire sinon exclusive aux yeux des savants, la part dévolue aux Esséniens semblerait pour beaucoup perdre ses marques.

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