RACIN KOČO SOLEV dit KOČO (1908-1943)
Écrivain macédonien issu d'une famille modeste, Kočo Racin dut renoncer à poursuivre ses études après sa première année de lycée et exerça successivement les métiers de potier, de tailleur de pierre et, durant un temps, de correcteur. Il rejoint bientôt le mouvement ouvrier de Yougoslavie, et son activité politique illégale lui vaut d'être condamné à quatre ans de bagne par le tribunal de Skopje, en 1934. Incarcéré à Sremska Mitrovica, il est amnistié après deux ans de prison. En 1941, la Yougoslavie est envahie par les troupes hitlériennes, et Racin rejoint les rangs de la résistance antifasciste. Il prend part à la lutte armée dans une unité de partisans et trouve la mort dans la montagne de Lopušnik, en Macédoine occidentale, laissant des poèmes, des textes en prose et des articles de critique littéraire.
Les premiers textes de Racin ont paru à Zagreb en 1928, dans la revue Kultura (Culture). Par la suite, il a collaboré à plusieurs revues et journaux de gauche, et son activité littéraire a toujours porté la marque de ce que l'on appelait la littérature sociale dans la Yougoslavie d'entre les deux guerres. La vie des travailleurs, la culture du tabac, les petites gens de la province macédonienne ruinés par la crise économique, tels sont les thèmes que Racin aime à traiter dans ses nouvelles. À plusieurs reprises, ses manuscrits ont été détruits par la police : c'est ainsi qu'il ne nous reste que quelques brefs passages de son roman Afion (Le Pavot).
Mais Racin est avant tout un grand poète. Jusqu'en 1936, pour pouvoir publier, il écrit en serbo-croate, l'usage public de la langue macédonienne n'étant pas autorisé. Bien qu'ils soient écrits dans l'esprit de la littérature sociale, ces premiers textes ne sont pas sans rappeler certains procédés propres à l'expressionnisme. L'œuvre maîtresse de cette période est un long poème, « Vatromet » (« Feu d'artifice »), publié à Skopje dans un recueil collectif, 1932.
À partir de 1936, Racin commença à faire paraître çà et là, dans des publications progressistes, des poèmes en langue macédonienne, mais ce n'est qu'en 1939 qu'une imprimerie de Samobor, en Croatie, sortit un recueil intitulé Beli mugri (Les Aubes blanches), qui se révéla être le chef-d'œuvre de Racin. L'ouvrage était présenté comme s'il avait été publié à Zagreb, mais il fut interdit dès sa parution. Néanmoins, un grand nombre d'exemplaires furent vendus clandestinement, notamment en Macédoine. L'ouvrage déchaîna les passions, comme en témoignent les articles élogieux d'une part, et, de l'autre, les attaques d'une certaine presse contre un homme qui avait l'audace d'écrire des poèmes en macédonien. Beli mugri marque un tournant dans l'histoire de la littérature macédonienne en confirmant l'existence d'une langue littéraire encore en gestation. Optant pour le macédonien, le poète ne change pas seulement de langue, il change aussi de poétique : il abandonne une tradition pour une autre et se tourne vers cette poésie orale qui constitue l'héritage artistique le plus précieux de son pays. Il adopte non seulement de nouveaux thèmes mais aussi un nouveau système de métaphores et une nouvelle prosodie, inspirés de la poésie populaire macédonienne. Inspirés, mais non imités : Racin s'éloigne assez du modèle initial pour élaborer un style personnel, subtil et inimitable. Comme dans toute l'œuvre de Racin, on trouve dans Beli mugri le même souci d'engagement social, le même intérêt pour les espoirs et les souffrances des classes laborieuses. Ce recueil reste aujourd'hui l'une des plus grandes réussites de la littérature macédonienne contemporaine. Il a fait l'objet de nombreuses rééditions et a été traduit en plusieurs langues, dont le français.[...]
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Écrit par
- Blaze KONESKI : professeur, membre de l'Académie macédonienne des sciences et des arts
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