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RADICAL GEOGRAPHY

L'expression Radical Geography désigne la nouvelle orientation prise par la géographie anglo-saxonne à la fin des années 1960. Elle peut être traduite par géographie radicale même si, en France, un tel changement est moins établi. Les intitulés géographie critique et géographie sociale y sont préférés.

Dans les faits, la géographie radicale est une géographie sociale critique. Sociale, parce qu'elle considère la société dans son rapport à l'espace et s'inscrit donc en opposition à une géographie science spatiale faisant de l'espace une réalité autonome ; critique, car les positionnements politiques et idéologiques qu'elle développe (inspiration marxiste) contestent les théories rationnelles, positivistes, plus attachées à rendre scientifiquement compte de la relation de l'homme à l'espace qu'à formuler des principes l'aidant à se libérer des situations de domination, à changer sa vie.

Dès lors est engagé un combat contre toute forme d'inféodation (État, entreprises multinationales...). Cette approche trouve sa justification dans le contexte sociétal américain particulièrement troublé de l'époque : rejet de la guerre du Vietnam, mouvement pour les droits civiques des Afro-Américains, inégalités sociales et ségrégations raciales que les révoltes urbaines portent à leur paroxysme. Refusant de légitimer tout contrôle social et défiant la société capitaliste américaine, la géographie radicale embrasse une doctrine ouvertement tournée vers l'idée de changement. La question urbaine, au cœur de ses investigations, est étudiée au regard des principes d'égalité et de justice sociale (David Harvey, Social Justice and the City, 1973). Dès lors, la rupture épistémologique est inévitable puisque sont contestés tous les principes et idéologies qui produisent des inégalités et mènent aux reproductions des structures en place.

Publiée pour la première fois en 1969, la revue militante Antipode : a Radical Journal of Geography, presque clandestine à ses débuts, accueille la contestation et diffuse les positions extrémistes de ces géographes, d'abord anarchistes puis révolutionnaires. Les plus jeunes dynamisent le mouvement, notamment Richard Peet, qui propose, en 1977, un premier panorama de la réflexion engagée avec, il faut le noter, des références à Henri Lefebvre, philosophe français très tôt apprécié pour ses travaux sur la ville et l'urbain. Mais le mouvement est rapidement emmené par le Britannique David Harvey qui, après son installation à Baltimore aux États-Unis, en devient la référence principale. La géographie radicale se fait alors clairement marxiste, avec le matérialismedialectique pour principe et pour concepts privilégiés les grandes idées marxistes qui l'accompagnent – mode de production, formations sociales, rapports de production, classes sociales, etc. –, activées à l'échelle de la ville (pauvreté, minorités ethniques...) comme à celle du monde (sous-développement, impérialisme...).

En France, la discipline n'a jamais connu de démarche aussi radicale, même si Pierre George avait produit très tôt une géographie sociale qui utilisait de tels concepts (Géographie sociale du monde, 1946) sans pour autant convaincre pleinement de sa portée critique. Au même moment, un autre géographe, Abel Chatelain, tentait de donner un tour moins évanescent à cette géographie sociale. Mais il est trop isolé et sa géographie sociologique ne fera pas école. Toutefois, à la fin des années 1950, Renée Rochefort poursuit son œuvre, qui ne prendra réellement toute sa dimension qu'au début des années 1980 autour d'Armand Frémont (Géographie sociale, 1984).

Dans les faits, l'approche critique emprunte une autre voie, celle d'un positionnement face à la géographie néopositiviste. Celle-ci, ayant rompu avec la géographie[...]

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Écrit par

  • : docteur d'État, professeur à l'université de Genève (Suisse)
  • : docteur de l'université de Montpellier-III, attaché temporaire d'enseignement et de recherche

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