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RADIOACTIVITÉ EXOTIQUE ou RADIOACTIVITÉ PAR IONS LOURDS

Les prévisions et les perspectives

Ainsi, il semble bien que l'on ait atteint la limite de ce qu'il est possible d'observer avec les techniques actuelles de détection.

Existe-t-il un lien entre le type de fragment qui est émis et le numéro atomique du noyau « parent » ? Ces émissions représentent-elles le chaînon manquant entre la fission spontanée dans laquelle les numéros atomiques des éléments produits ont une valeur minimale de 28 (Ni) et la radioactivité α ?

Quel que soit le noyau considéré, la désintégration la plus probable serait telle que le fragment émis devrait laisser un noyau résiduel de 208Pb, ou d'un élément très voisin de celui-ci. En effet, le 208Pb, noyau dont les nombres de protons et de neutrons sont respectivement de 82 et 126, possède une très grande stabilité. Ces nombres de nucléons remarquables dans un noyau (2, 8, 20, 50, 82, 126) sont appelés nombres magiques. Cette prévision, qui conduit à la plus grande énergie possible pour le fragment émis, a toujours été vérifiée et la fragmentation conduit par émission de 14C, 24Ne, 28Mg ou de 32Si à la formation des isotopes de plomb (de 207 à 212), magiques par leur nombre de protons (Z = 82) et de neutrons (N = 126), ou de thalium, magiques par leur nombre de neutrons (N = 126).

L'une des prévisions les plus surprenantes de la théorie unifiée de la fission asymétrique est l'existence d'une possible radioactivité « étain » qui n'a encore jamais été observée. Dans ce mode de désintégration, le noyau de fermium 264 (100 protons et 164 neutrons) devrait se diviser en deux noyaux identiques et sphériques d'étain 132, doublement magique par ses protons et neutrons (respectivement 50 et 82). Le problème le plus difficile à résoudre reste la production de ce noyau de 264Fm, élément pour lequel l'isotope le plus lourd produit à ce jour a un nombre de masse de 259 et une demi-vie de 1,5 s. Cette fission parfaitement symétrique devrait, selon la théorie, se produire avec une fréquence équivalente à celle de la fission asymétrique.

Parallèlement à ces recherches sur les nouveaux modes d'émission du noyau, une étape marquante de l'étude détaillée des mécanismes de cette fragmentation a été la découverte de la structure fine. Au cours de l'année 1989, l'équipe d'Orsay a repris l'étude de la désintégration exotique du 223Ra, avec une source beaucoup plus intense du précurseur 227Th. Dans le spectromètre Soléno, les chercheurs ont utilisé un détecteur en silicium de grande surface possédant une très bonne résolution énergétique. Après un temps d'expérience de onze jours, le détecteur avait enregistré plus de 400 ions 14C6+ au lieu des onze détectés en 1984. Le spectre des ions carbone présentait une structure composée de trois pics. Cette structure fine dans l'émission de 14C était tout à fait comparable à celle qu'avait observée Rosenblum en 1929, pour l'émission des rayons α. Son existence a d'ailleurs la même origine : le 223Ra peut libérer son énergie en émettant des 14C qui laissent un noyau de 209Pb dans son état fondamental, mais également, par émission de 14C d'énergie inférieure, exciter un ou plusieurs états du 209Pb. Une interprétation de cette structure fine a apporté des arguments en faveur d'une préformation des agrégats dans le noyau parent, agrégats dont la probabilité d'émission est d'autant plus faible qu'ils sont plus massifs. Le champ des expériences à réaliser est encore ouvert pour vérifier la théorie interprétant le mieux les caractéristiques de ces nouvelles radioactivités, parmi les deux hypothèses concurrentes, fission asymétrique ou préformation d'agrégats.

Origine des raies de structure fine dans le spectre d'émission <sup>14</sup>C du <sup>223</sup>Ra - crédits : Encyclopædia Universalis France

Origine des raies de structure fine dans le spectre d'émission 14C du 223Ra

Mécanismes proposés pour interpréter les émissions d'ions-lourds - crédits : Encyclopædia Universalis France

Mécanismes proposés pour interpréter les émissions d'ions-lourds

En conclusion, la découverte des radioactivités exotiques élargit le champ des recherches, tant expérimentales[...]

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Écrit par

  • : directeur du laboratoire de radiochimie, Université de Nice Sophia-Antipolis, Nice.

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Médias

Détection du carbone 14 - crédits : Encyclopædia Universalis France

Détection du carbone 14

Détection des radioactivités exotiques en ligne auprès du synchrotron du Cern - crédits : Encyclopædia Universalis France

Détection des radioactivités exotiques en ligne auprès du synchrotron du Cern

Origine des raies de structure fine dans le spectre d'émission <sup>14</sup>C du <sup>223</sup>Ra - crédits : Encyclopædia Universalis France

Origine des raies de structure fine dans le spectre d'émission 14C du 223Ra