ALBERTI MERELLO RAFAEL (1902-1999)
Né en 1902 au Puerto de Santa María (prov. de Cadix), Rafael Alberti est l'un des écrivains les plus considérables de la génération dite de 1925. Longtemps condamné, malgré lui, au rôle de brillant second de García Lorca, il s'es vu par la suite rendre justice un peu partout dans le monde, en raison de la qualité et de la variété de son œuvre, qui touche à la fois à la peinture – sa première vocation – à la poésie et au théâtre.
Ses premières sources d'inspiration
Le besoin inné chez les Espagnols d'opposer l'une à l'autre deux personnalités avait dicté à un critique cette définition, immédiatement et trop longuement adoptée : Lorca, le Gitan (car il chantait l'Andalousie de Grenade, l'ivresse dionysiaque du monde grenadin) et Alberti l'Andalou (car son Andalousie était celle des rivages atlantiques, moins violente, moins passionnée, plus mesurée). Élégante, chatoyante, proche à la fois de celle de son compatriote Juan Ramón Jiménez et des maîtres de la Renaissance qu'il avait connus très tôt, la poésie d'Alberti répudiait tout pittoresque artificiel, superficiel, pour chanter les salines, les paysages marins ; ceux-ci – lorsqu'il commença à écrire loin d'eux, dans la Castille sèche où le retenait le souci de sa santé, vers 1923 – constituèrent ses premières sources d'inspiration. Il n'a jamais cessé de les évoquer, de les chanter, même dans ses poèmes d'exil, où apparaît une dimension nouvelle : la nostalgie de celui à qui l'Espagne fut longtemps interdite. Cette poésie menue du Marin à terre (Marinero en tierra), moins elliptique que celle d'un Jiménez, plut au jury du prix national de littérature qui couronna Alberti en 1925.
Jusqu'en 1930, Alberti est en quelque sorte à la recherche de lui-même : l'Espagne, sous la dictature de Primo de Rivera, n'est guère favorable à l'expression littéraire ; non seulement les écrivains sont soumis à une censure rigoureuse, mais les problèmes politiques, sociaux et économiques se posent à eux avec de plus en plus d'acuité. En 1926-1927, la génération d'Alberti réhabilite bruyamment Góngora, dont on célèbre le tricentenaire, et l'influence du poète des Solitudes apparaît dans À chaux et à sable (Cal y Canto), d'une extraordinaire virtuosité technique et formelle. La crise profonde que traverse Alberti est marquée par l'un des sommets du surréalisme espagnol, Sur les anges (Sobre los ángeles), dont une explication purement formelle, telle qu'on l'a proposée parfois, ne suffit pas à traduire la richesse du contenu. Ce recueil, éclairé par les poésies fulgurantes de Sermons et Demeures (Sermones y Moradas), écrites peu après, et par le drame L'Homme inhabité (El Hombre deshabitado) joué en 1931, permet de comprendre le combat que le poète livre alors contre tous les fantasmes, les tabous, les interdits qui lui furent imposés dans son enfance par le milieu bourgeois et bien pensant auquel il appartenait.
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Écrit par
- Robert MARRAST : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
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