ALBERTI MERELLO RAFAEL (1902-1999)
La rupture
La rupture se situe en 1930-1931, à l'époque où Alberti s'engage publiquement, met son œuvre « au service du peuple et du prolétariat international » et s'inscrit au Parti communiste espagnol. En 1931, la création de L'Homme inhabité suscite une longue polémique : Alberti y montre l'homme aux prises avec les forces du mal, avec une société hostile, mécanisée, hiérarchisée. Il définit son œuvre comme un auto sacramentalsans sacrement : en effet, la créature, au lieu du repentir de rigueur dans ce genre d'œuvres, crie sa haine contre le Créateur et nie le libre arbitre, qui n'est qu'apparence. La même année, Alberti écrit la première pièce espagnole politique et à thèse d'actualité, Fermin Galán, qui retrace sous forme de tableaux coupés d'images d'Épinal expliquées par un aveugle, la vie et la mort du premier martyr de la IIe République. Si l'on met à part l'exception lyrique que constitue Te voir et ne pas te voir (Verte y no verte), chant mortuaire au torero Sanchez Mejías, Alberti écrit surtout alors des œuvres de combat révolutionnaire : plaquettes de poésie, farces politiques, etc. Dès le début de la guerre civile, il prend une part ardente aux activités de l'Alliance des intellectuels antifascistes, au théâtre aux armées, etc. Il compose alors plusieurs pièces courtes d'inspiration politique et une adaptation actualisée de la Numance de Cervantès. Il commence à écrire les trois actes de D'un moment à l'autre (De un momento a otro), qui racontent, sous une forme plus ramassée, sa propre histoire : celle d'un jeune bourgeois rompant avec sa famille pour se mettre au service du peuple. À partir de 1939, la poésie d'Alberti se teinte d'un lyrisme nostalgique. À la peinture (A la pintura, 1945-1948) est un hymne aux peintres et à ses couleurs préférées. Alberti écrit aussi pour le théâtre : Le Trèfle fleuri (El Trébol florido, 1942), Le Repoussoir (El Adefesio, 1944), La Gallarda (1944-1945), qui constituent une sorte de trilogie rustique ; une pièce politique : Nuit de guerre au musée du Prado (Noche de guerra en el museo del Prado, 1956) ; l'adaptation d'un roman dialogué licencieux et truculent du xvie siècle : La Belle Andalouse (La Lozana Andaluza, 1963), somptueux divertissement. Un voyage en Chine, en 1958, lui inspire Souris, Chine (Sonríe, China), recueil d'impressions mêlées de poésies, en collaboration avec María Teresa León. Dans Poésie (Poesía 1924-1967, 1972) et Le Poète dans la rue (El Poeta en la calle, 1978), Aitana, fille de Rafael Alberti, a édité la majeure partie de l'œuvre poétique et théâtrale de son père, qui a réuni en 1978 ses poésies de 1972-1978, dans Lumière fustigée (Fustigada Luz), puis celles de 1979-1982 dans Vers détachés de chaque jour (Versos sueltos de cada día, 1982). Prix Lénine international en 1965, Médaille d'or de la paix de l'U.R.S.S. en 1983, Alberti est en outre traducteur de Baudelaire, Eluard, Aragon, Supervielle, Langston Hughes, etc. Rentré en Espagne en 1977, après trente-huit ans d'exil en Argentine et à Rome, il fut triomphalement accueilli et élu député de Cadix, charge à laquelle il renonça quelques mois plus tard pour se consacrer à son œuvre et aux récitals poétiques qu'il donne dans le monde entier. Docteur honoris causa des universités de Barcelone et de Toulouse (1983), Alberti reçoit la plus haute distinction couronnant un écrivain de langue espagnole, le Prix Cervantès (1983).
Le thème fondamental de l'œuvre d'Alberti est la nécessaire rébellion de l'homme contre toute force arbitraire imposée par des valeurs politiques, sociales, morales ou religieuses qui interdisent à l'individu son plein épanouissement. L'humanité est en proie à un dilemme dont le marxisme constitue pour Alberti la seule issue valable.[...]
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Écrit par
- Robert MARRAST : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
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