HARIRI RAFIC (1944-2005)
Homme politique libanais. Né en 1944 dans une famille musulmane sunnite de Saïda au Sud-Liban, Rafic Hariri, fils d’ouvrier agricole, obtient son baccalauréat au Caire en 1964, puis étudie la comptabilité à l’université arabe de Beyrouth. En 1966, il émigre en Arabie Saoudite où il fonde sa propre entreprise, spécialisée dans le marché de la construction. Au pays de l’or noir, il fait rapidement fortune dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, à la faveur de son introduction dans les cercles du pouvoir saoudien et de ses amitiés royales. Désormais détenteur de la nationalité saoudienne, il achète le géant français de la construction, la société Oger, et diversifie ses sources de revenus dans les domaines de la banque et des assurances. Parallèlement à l’extension de son empire commercial et financier, l’homme d’affaires s’établit en 1979 en tant que mécène et bienfaiteur dans son pays d’origine, alors en guerre, en créant une fondation qui porte son nom : il déploie ainsi des moyens considérables dans des projets philanthropiques, distribue des milliers de bourses aux étudiants libanais et est amené à financer les diverses milices en présence pour mieux se les concilier. À égale distance des principaux protagonistes de la guerre civile, il mène aussi une « diplomatie de l’ombre » pour le compte de l’Arabie Saoudite, en contribuant à négocier la participation de toutes les forces politico-militaires aux conférences interlibanaises de réconciliation nationale à Genève (1983) et Lausanne (1984), puis à celle de Taëf qui met fin à la guerre civile en 1989.
Grâce à une fortune personnelle estimée à 4 milliards de dollars en 1992, à un carnet d’adresses international bien rempli et à de nombreux contacts dans les cercles dirigeants syriens, Rafic Hariri devient un personnage central de la vie politique libanaise de l’après-guerre. Après avoir placé des proches au Conseil pour le développement et la reconstruction, il fait son entrée officielle en politique en étant nommé en octobre 1992 à la tête du Conseil des ministres, désormais doté d’importantes prérogatives selon la Constitution amendée en 1990. Il occupe ce poste jusqu’en 1998, puis de 2000 à 2004. Il est également élu député de Beyrouth en 1996 et s’affirme comme le leader incontesté de la communauté sunnite à partir des élections législatives de 2000.
Disposant de la confiance des milieux de la finance internationale et de solides amitiés politiques avec des dirigeants du monde entier, Rafic Hariri a été perçu au départ comme le sauveur d’un pays détruit et en proie à une grave crise financière et sociale : garant de la stabilité de la monnaie nationale, il lance les grands chantiers de la reconstruction – en particulier celle du centre-ville de Beyrouth et les grandes infrastructures du pays – avec l’ambition de transformer le Liban en un Singapour du Moyen-Orient. Au service de ce projet néo-libéral, ses méthodes d’entrepreneur bouleversent les jeux traditionnels de la politique libanaise et lui permettent de fédérer des soutiens dans l’ensemble des communautés nationales. Mais elles lui valent également de vives critiques pour le coût démesuré de sa politique économique, qui se traduit par une forte aggravation de la dette extérieure, et pour la confusion qu’il entretient entre ses intérêts privés et ses fonctions politiques. Engagé depuis le milieu des années 1990 dans un bras de fer avec Émile Lahoud, qui sera élu en 1998 président de la République, Rafic Hariri quitte le gouvernement en octobre 2004 pour protester contre la prorogation du mandat de son rival. Son assassinat, le 14 février 2005, le transforme en icône nationale.
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Écrit par
- Agnès FAVIER : attaché temporaire d'enseignement et de recherche au Collège de France
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