RAGE
Connue depuis l'Antiquité, mortelle en l'absence de traitement, la rage est toujours d'actualité en raison de son extension mondiale. La maladie a causé 55 000 décès dans le monde en 2004, essentiellement en Asie et en Afrique, et est resté à ce niveau depuis lors. L'Europe centrale, le Moyen-Orient, le continent américain constituent des zones d'endémie, alors que les îles Britanniques demeurent libres de rage. Maladie infectieuse commune à l'homme et à toutes les espèces animales à sang chaud, principalement les mammifères, elle est due à un virus spécifique transmis généralement par la morsure d'animaux présentant ou non les symptômes de l'infection rabique et excréteurs du virus dans leur salive. La transmission par voie aérienne n'a été démontrée que dans des cavernes infestées de chauves-souris enragées. La vaccination orale de la faune sauvage pratiquée systématiquement par certains pays d'Europe a permis une régression spectaculaire.
Le virus rabique
Le virus rabique est un Rhabdovirus, du genre Lyssavirus où l'on classe des virus dits « apparentés à la rage » tels que les virus Lagos bat, Mokola et Duvenhage dont le rôle pathogène et l'importance épidémiologique ont été mis en évidence dans plusieurs pays d'Afrique. La particule virale a la forme d'une balle de revolver, d'une longueur moyenne de 180 nm et d'un diamètre de 70 à 80 nm. (cf. photo).
Le génome viral est un acide ribonucléique (ARN) simple brin, « négatif », non segmenté, associé à 5 protéines dont essentiellement la protéine N (associée à l'ARN dans la nucléocapside) et la protéine G, glycosylée, (constitutive des spicules implantés dans la membrane). L'utilisation d'anticorps monoclonaux a permis de caractériser les déterminants antigéniques des protéines N et G et de préciser les déterminants de G qui sont responsables du pouvoir pathogène et du pouvoir immunisant.
Le virus rabique est inactivé par la chaleur (+ 60 0C), la dessiccation, les rayons ultraviolets, les solutions savonneuses, les ammoniums quaternaires, l'éther, l'alcool, l'eau de Javel, le phénol, le formol et les acides. Il résiste à tous les antibiotiques actuellement connus.
Inoculable aux animaux de laboratoire (en particulier lapins et souris) qui permettent l'isolement des souches sauvages dites « virus des rues », il acquiert après de multiples passages en série une certaine fixité de ses caractères. Les souches ainsi obtenues, appelées souches de « virus fixe », sont utilisées pour la préparation des vaccins (la principale étant la souche Louis Pasteur, isolée par ce dernier en 1882 du cerveau d'une vache morte de rage).
Chez l'animal, le virus introduit dans l'organisme par la morsure d'un animal enragé se multiplie d'abord localement puis chemine par voie nerveuse (il n'y a pas de virémie) jusqu'au système nerveux central d'où il diffuse, par voie nerveuse, vers les organes périphériques, notamment l'œil et les glandes salivaires. L'infection de ces dernières entraîne celle de la salive ; l'animal devient alors un excréteur de virus et sa morsure peut être contaminante. Les mammifères terrestres, en particulier les carnivores et herbivores domestiques, n'excrètent le virus que pendant les derniers jours précédant leur mort (quelques jours avant l'apparition des signes de rage et pendant la phase clinique inéluctablement mortelle). Par contre, certains animaux sauvages, dont les chauves-souris, peuvent excréter le virus dans leur salive pendant de longues périodes avant la phase clinique terminale, ce qui en fait des agents de contamination redoutable.
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Écrit par
- Pierre SUREAU : professeur, chef de l'unité de la rage à l'Institut Pasteur, Paris
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