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HOGHE RAIMUND (1949-2021)

Dramaturgies de l’émotion

En 1997, il revient sur sa vie avec un film, Der Buckel (La Bosse), réalisé pour une chaîne de télévision allemande.

Après ses compositions de solos ou de duos, Raimund Hoghe exploite une autre veine, moins dramatique, voire drolatique, comme c’est le cas dans Dialogue avec Charlotte, duo créé en 1998 avec l’interprète Charlotte Engelkes. Puis il s’ouvre à des pièces de groupe. D’abord avec Sarah, Vincent et moi (2002) et surtout avec Young People, Old Voices(2002), spectacle dans lequel il se produit avec une troupe d’adolescents sur des airs de Léo Ferré, Dalida, Judy Garland…, incluant même un Sacre du printemps avec Lorenzo de Brabandere dont Hoghe tirera par la suite une pièce autonome. Young people, Old voices s’appuie sur des petits riens ciselés par une composition chorégraphique que sous-tend une tendresse dévastatrice.

À partir de ce chef-d’œuvre, Raimund Hoghe alternera régulièrement des solos écrits pour lui-même (36, avenue Georges Mandel, 2007 ; An Eveningwith Judy, 2014) ou pour d’autres, mais dans lesquels il ne peut s’empêcher d’apparaître sur scène : Sacre – The Rite of Spring en 2004, avec Lorenzo de Brabandere ; L’Après-midi en2008, avec Emmanuel Eggermont ; Sans titre en 2009, avec Faustin Linyekula ; Pas de deux en 2011, avec Takashi Ueno ; Canzone per Ornella en 2018, avec Ornella Balestra. Il compose également des pièces de groupe douces-amères, d’une lenteur presque sacrale et d’une grande habileté compositionnelle : Swan Lake, 4 actsen 2005 ; Boléro Variations en 2007, Si je meurs laissez le balcon ouvert en 2010 – une œuvre en mémoire de Dominique Bagouet – ; Cantatasen 2012. Comme le laissent deviner les titres de ses spectacles, Hoghe revisite des œuvres phares qui sont autant de jalons de l’histoire de la danse (Le Sacre du printemps,Le Lac des cygnes, le Boléro, l’Après-midi d’un faune…) afin de s’en approprier des bribes gestuelles à la manière d’un collectionneur, tout en gardant le fil de sa propre création singulière, enchevêtrant à plaisir les niveaux de lecture.

Raimund Hoghe est très régulièrement invité par Jean-Paul Montanari, directeur du festival international Montpellier Danse, qui coproduit ses œuvres. Une de ses dernières pièces données en septembre 2020, lors de l’édition 40 Bis de ce festival, n’était autre qu’une reprise de Young People, Old Voices, avec de jeunes portugais, intitulée Momentos of Young People(2018).

Les livres de Raimund Hoghe ont été traduits en plusieurs langues. De nombreux pays d'Europe, ainsi que le Japon et l'Australie, l'ont invité à produire ses spectacles. Il a reçu plusieurs prix, dont le « Deutscher Produzentenpreis für Choreografie » en 2001, le prix de la critique française en 2006 pour Swan Lake, 4 Acts (catégorie meilleur spectacle étranger). En 2008, les critiques du magazine Ballet-Tanz le consacrent danseur de l’année. En octobre 2012, il lance un festival, intitulé 20 ans, 20 jours, qui présente à Essen, Münster et Düsseldorf ses pièces et celles de ses compagnons de route, ainsi qu’une exposition de Rosa Franck, la photographe qui le suit depuis ses débuts de danseur et de chorégraphe. En 2016, il crée La Valse, une œuvre particulièrement forte, qui fait surgir comme autant de fantômes, des réfugiés de tout massacre et des migrants de tout temps fuyant la guerre et les violences.

En 2020, il reçoit le Deutscher Tanzpreis, la plus haute distinction de la danse artistique décernée en Allemagne.

Raimund Hoghe est mort le 14 mai 2021 à Düsseldorf. Il venait d’avoir soixante-douze ans. Il a su tirer parti de sa singularité avec force et grâce.

— Agnès IZRINE

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Écrit par

  • : écrivaine, journaliste dans le domaine de la danse

Classification

Média

Raimund Hoghe - crédits : Jean-Claude Carbonne/ ArtComPress/ Opale/ Bridgeman

Raimund Hoghe