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RAISONNEMENT

Le mot de raisonnement est ambigu. On ne dispose pas, pour ce qu'il recouvre, de deux vocables, comme c'est le cas pour le concept et le terme qui le désigne, pour le jugement et la proposition qui l'exprime. Un raisonnement, c'est d'abord une certaine activité de l'esprit, une opération discursive par laquelle on passe de certaines propositions posées comme prémisses à une proposition nouvelle, en vertu du lien logique qui l'attache aux premières : en ce sens, c'est un processus qui se déroule dans la conscience d'un sujet selon l'ordre du temps. Mais cette opération est inséparable d'un langage, fût-ce d'abord du seul langage intérieur ; pour se préciser et se communiquer, le raisonnement devra bientôt s'extérioriser dans le langage parlé, et, quand enfin il se stabilisera par l'écriture, il sera devenu une sorte de chose, impersonnelle et intemporelle, objet pour une analyse structurale. Il existe donc deux façons d'en aborder l'étude.

L'approche psychologique est souvent décevante. Ou bien, pour préserver la continuité des opérations mentales, on rattache le raisonnement aux activités élémentaires du psychisme (E. Rignano) et l'on méconnaît ainsi la spécificité des opérations logiques ; ou bien au contraire on accuse la coupure (M. Pradines) au risque de se trouver démuni pour l'analyse des opérations supérieures ; à moins qu'enfin, et c'est le parti le plus fécond, on cherche à préciser les étapes successives dans l'acquisition des opérations logiques (J. Piaget), mais alors, à chacune de ces étapes, c'est à une analyse des structures logiques qu'on en vient.

L'approche logique, cependant, n'est pas non plus sans dangers, invitant à oublier l'activité opératoire, et même à écarter comme « incongrue » (B. Russell) la notion d'esprit ; de plus, les développements du formalisme logique ont pour effet de substituer le calcul au raisonnement, et d'accroître l'écart entre ces calculs devenus autonomes et les opérations logiques de l'esprit dont ils s'étaient d'abord inspirés. Il convient sans doute d'aborder l'étude du raisonnement d'un point de vue logique, certes, mais d'une logique qui demeure encore attachée à l'analyse de la logique opératoire naturelle, quitte à prolonger et à préciser cette analyse par les acquisitions du formalisme logique contemporain.

Nature

Conditions de validité de l'inférence

Raisonner, c'est inférer une proposition, appelée conclusion, à partir de certaines autres prises comme prémisses. Sans doute, à parler strictement, peut-on contester que tout raisonnement consiste à faire une inférence ; par exemple lorsque, au lieu d'inférer une proposition nouvelle à partir de prémisses connues, on s'efforce, une proposition étant donnée, de la démontrer en cherchant celles qui peuvent la justifier logiquement : c'est ainsi que J. Tukasiewicz distingue entre démonstration et inférence. Ou bien on peut alléguer, avec C. Perelman, que celui qui invoque des raisons pour ou contre une thèse argumente, sans pour autant faire une inférence. Toutefois il est clair que, sans la possibilité d'interpréter la démonstration comme une inférence, sans la possibilité d'inférer la thèse de l'argument, bref sans la présence et l'aperception du rapport logique qui autorise l'inférence, il n'y aurait pas là de raisonnement. À d'autres égards, c'est au contraire la notion d'inférence qui est plus large que celle de raisonnement : il y a des inférences dites immédiates, comme celles qu'on fait par la conversion ou l'opposition des propositions, alors que le raisonnement, même le plus simple comme le syllogisme, suppose une médiation.

La relation qui, dans[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire à la faculté des lettres et des sciences humaines de Toulouse

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