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RAISONNEMENT CHEZ L'ADULTE, psychologie

Les théories unificatrices du raisonnement

L'une des premières théories unificatrices du raisonnement chez l'adulte, la théorie des modèles mentaux de Phil Johnson-Laird, a connu son principal essor entre 1980 et 2000. Son postulat initial était que les raisonneurs construisent mentalement une représentation de toutes les possibilités dans lesquelles les informations dont ils disposent sont vraies, pour ensuite choisir une conclusion qui semble vraie dans toutes ces situations possibles. La théorie des modèles mentaux a connu un grand nombre de variantes destinées à l'adapter à toutes les formes de raisonnement, tant et si bien qu'il est devenu difficile avec le temps de la considérer comme une théorie unique et unificatrice.

La déduction (qui consiste à former une conclusion nécessairement vraie à partir d'informations complètement certaines) a longtemps été considérée comme le raisonnement le plus typique. Par contraste, le raisonnement sous incertitude (tirer des conclusions probablement vraies à partir d'informations incertaines) était considéré comme un phénomène périphérique, une forme dégradée de déduction. Les théories probabilistesont renversé la situation, en constatant que dans la vie de tous les jours, les informations comme les conclusions sont le plus souvent incertaines. Le raisonnement viserait donc principalement à calculer la probabilité qu'une conclusion soit vraie, la déduction constituant un cas limite de cette activité. Les théories probabilistes du raisonnement accordent un rôle important au théorème de Bayes, qui permet de mettre à jour la probabilité d'une conclusion quand une nouvelle information parvient au raisonneur.

Enfin, les théories à processus duels contemporaines mettent en avant deux grands types de traitement de l'information, applicables à tous les domaines du raisonnement (y compris et surtout le raisonnement moral). Ces deux traitements, que l'on peut appeler l'intuition et la délibération, correspondent aux deux « vitesses de la pensée » de Daniel Kahneman, et s'appuient sur des voies cérébrales différenciées. La voie intuitive est rapide, affective, et ne demande pas de concentration. Elle propose toujours une réponse, à peu de frais mentaux pour le raisonneur. Quand cette intuition semble douteuse, la voie délibérative prend le relais. Elle nécessite du temps et la mobilisation d'un effort mental essentiellement consacré à l'inhibition de l'intuition. Les recherches sur les processus duels ont accordé une attention particulière aux aires du cerveau impliquées dans le raisonnement, et sont particulièrement propices à une approche unifiée des différents domaines dans lesquels le raisonnement s'exerce.

— Jean-François BONNEFON

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