RAISONNEMENT
Fonctions
Preuve
Le raisonnement est d'abord un moyen de preuve ou de justification. La façon la plus normale d'établir une proposition qui n'est pas immédiatement évidente, c'est de montrer qu'elle se rattache, par une relation illative, à telle autre dont la vérité est reconnue : ou bien elle en est la conséquence et alors la preuve est rigoureuse (démonstration mathématique), ou inversement elle l'a comme conséquence et alors la conclusion est seulement probable (preuve expérimentale). La preuve peut se réduire à une simple dérivation formelle. Enfin, le raisonnement vise quelquefois à prouver non pas la vérité, mais la fausseté d'une proposition (réfutation) en en tirant des conséquences manifestement fausses ; mais cet usage est souvent un moyen indirect pour établir la vérité d'une autre proposition (démonstration par l'absurde, expérience cruciale).
Invention
Le raisonnement est-il aussi un instrument d'invention ? En règle générale, ce n'est assurément pas par un raisonnement rigoureux qu'on découvre quelque chose qui soit à la fois nouveau et intéressant. On raisonne après coup, pour s'assurer soi-même du bien-fondé de l'hypothèse et pour le prouver à autrui. Cependant, et sans même évoquer le cas assez exceptionnel où un raisonnement qui n'est pas guidé par une idée préconçue se trouve, par chance, aboutir à un résultat inattendu, les découvertes importantes ne se font pas à l'aventure, mais plutôt par une certaine convergence de raisonnements, souvent un peu lâches, où l'on va directement au but visé en sautant certains enchaînements sur lesquels on se réserve de revenir ensuite.
Contrairement à ce que l'expérience paraît ainsi attester, la possibilité d'accroître nos connaissances par le raisonnement a cependant été contestée, pour des raisons d'ordre théorique. Comment, se demande-t-on, un raisonnement pourrait-il être à la fois rigoureux et fécond ? Si la conclusion passe les prémisses, il cesse d'être rigoureux, et, s'il est rigoureux, c'est que la conclusion ou bien dit la même chose que les prémisses en en variant seulement la forme, ou bien dit moins qu'elle, se contentant d'en tirer quelque chose qui y était déjà inclus et que le raisonnement a précisément pour fonction d'extraire. Mais c'est méconnaître le caractère propre de la relation illative. Celle-ci, n'étant pas symétrique, ne peut être assimilée à une relation d'identité (Condillac) ou d'équivalence (S. Jevons). Et, si elle a les mêmes propriétés formelles que l'inclusion, cela ne signifie pas que l'implication d'une proposition q par une proposition p soit la même chose que l'inclusion d'une classe B dans une classe A, c'est-à-dire qu'elle y soit logée. La conclusion résulte des principes sans être contenue en eux. Dire qu'elle y est contenue implicitement n'est acceptable que si l'on entend par là qu'elle s'ensuit logiquement d'eux, et non pas qu'elle s'y trouve déjà, mais plus ou moins cachée dans les plis d'une enveloppe. Pour prendre un exemple très simple : l'écolier qui résout un problème de robinets ne découvre-t-il pas par le raisonnement quelque chose qu'il ignorait quand il avait sous les yeux les données du problème ? Dire qu'il le savait sans savoir qu'il le savait n'est qu'une échappatoire verbale. Plutôt que d'une extraction, mieux vaut parler, si l'on veut, d'une transformation des prémisses, mais c'est justement dans cette transformation que réside la nouveauté. Si la logique contemporaine conçoit le raisonnement déductif comme une « transformation tautologique », c'est qu'elle entend le mot de tautologie au sens technique qu'il a[...]
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Écrit par
- Robert BLANCHÉ : professeur honoraire à la faculté des lettres et des sciences humaines de Toulouse
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