RĀJPŪT
Castes guerrières de l'Inde, traditionnellement classées comme Kshatriya dans la hiérarchie des castes, les Rajput (Rājput) remontent, pour la plupart, aux envahisseurs venus de haute Asie qui se sont succédé en Inde au début de notre ère : Saka ou Scythes et Pahlava ou Parthes (~ ier s.), Kushana ou Yuezhi (ier s.), auxquels succèdent les Huns (ve s.), accompagnés des Gurjara, puis les Jats.
Ces vagues déferlent vers le Deccan et installent en chemin, au hasard des succès, leurs clans et leurs dynasties, du Rajasthan (le pays des raja) au pays du golfe de Cambay (qui devient le Gujarat).
L'écroulement des empires nord-indiens des Gupta (ive-ve s.) et de Harsha (viie s.), très affaiblis par les Rajput, ouvre une période de morcellement féodal désignée, parfois jusqu'à la conquête musulmane (xiiie s.), par l'expression de « période rajpoute ». De l'histoire très mouvementée des États rajput qui couvrent alors l'Inde du Nord, quelques noms se dégagent : l'Empire gurjara des Pratihara (viiie-xe s.) qui, à partir du Rajasthan, a étendu son emprise du Gujarat à la vallée du Gange, sur lequel se dresse Kanauj, la capitale. Le royaume Gond des Chandella (ixe-xiie s.) du Bundelkhand, situé sur le rebord nord du Deccan, a laissé la splendide collection de temples de Khajuraho. Leurs cousins Gaharwar (xie-xiie s.) dans la vallée du Gange règnent à Kanauj et Bénarès, et rivalisent avec les Chauhan (xe-xiie s.) du Rajasthan, qui transfèrent leur capitale d'Ajmer à Delhi. Les Paramara du Malwa (xie s.), les Solanki ou Chalukya (xe-xiie s.) du Kathiawar, protègent la secte hindoue des Jaïns, et l'aident à édifier au sommet des monts ses cités de temples : Girnar, Palitana.
Les musulmans, installés dans le Sind depuis le viiie siècle n'interviennent vraiment en Inde qu'à partir des raids de pillage du sultan afghan Mahmud de Ghazni, autour de l'an mille. Quand, à la fin du xiie siècle, les Ghourides remplacent en Afghanistan les Ghaznévides, les raids se multiplient. Les Rajput, handicapés par leur organisation de type clanique, ne parviennent pas à leur opposer une résistance unifiée. Le chevaleresque Raja Prithvi bat les envahisseurs à Tarian en 1191, mais sera écrasé par eux un an plus tard sur le même champ de bataille.
Les autres souverains rajput, refoulés sur les marges de la domination musulmane, mènent une résistance dispersée.
Ils soutiennent des sièges légendaires dans Ranthambhor (1301) et Chitor (1303) lors de la première poussée vers le sud des sultans de Delhi. Au xvie siècle, le grand mogol Akbar a autant de mal à venir à bout de ces deux mêmes villes fortes, points d'appui de la confédération rajput conduite par le rana Pratap de Mewar, et au xviie siècle, son successeur Aurangzeb doit livrer encore une autre guerre contre les Rajput dirigés cette fois par le raja de Marwar (Jodhpur).
Ces hostilités sans cesse renaissantes ne sont pas des guerres de religion : elles s'inscrivent plutôt dans le cadre des relations propres au monde féodal. Les Rajput, comme les autres hindous, se sont souvent alliés aux musulmans, et leur ont fourni de très précieux cadres militaires et civils. Le plus célèbre est sans doute Jaisingh II (1699-1743), raja d'Amber, fondateur de Jaipur et de célèbres observatoires astronomiques (à Jaipur, à Ujjain, à Delhi, à Mathura et à Bénarès).
Les princes rajput ont compté parmi les plus fidèles soutiens du régime colonial britannique, qui leur a laissé leurs États moyennant des accords de protectorat. Esclaves d'un despotisme archaïque en plein xxe siècle, les États rajput, comme tous les États princiers, ont été fondés après l'indépendance dans les provinces dont ils relevaient géographiquement.
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Écrit par
- Roland BRETON : docteur ès lettres, maître assistant à l'université d'Aix-Marseille
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