RALLIEMENT
Le nom de « ralliement » fut donné à la nouvelle direction politique que Léon XIII indiqua aux catholiques français en les engageant à accepter le régime républicain. Les prodromes du ralliement datent des années 1879-1880. Lorsque les républicains, parvenus au pouvoir, commencèrent à appliquer leur programme de laïcisation, le Saint-Siège conseilla à certains leaders catholiques d'abandonner tactiquement l'opposition anticonstitutionnelle pour mieux défendre les intérêts religieux. Mais le loyalisme à l'égard du régime parut impossible aux membres des partis dynastiques, non seulement en raison de leur fidélité à la monarchie ou à l'Empire, mais parce qu'ils estimaient illusoire de prétendre dissocier en France le régime républicain du programme laïque. Leur défaite électorale récente pouvait d'ailleurs ne pas être tenue pour irréversible. Cette position était généralement celle de la hiérarchie ecclésiastique et de l'électorat catholique, traditionnellement attachés à un ordre conservateur à la fois politique et religieux. Le ralliement entra dans sa phase décisive en 1890, à la suite d'une évolution de la conjoncture nationale et internationale. L'échec du boulangisme en France et l'écrasement de la droite aux élections venaient de porter un coup apparemment décisif aux espoirs dynastiques. Du côté républicain, le triomphe des opportunistes et l'élimination des radicaux les plus exigeants semblaient offrir ses chances à une politique modérée. Sur le plan international, l'échec des négociations engagées par le Vatican avec les États membres de la Triplice pour trouver une solution à la question romaine désignait la France comme le seul recours possible, à condition toutefois que la majorité parlementaire fût favorable à un appui diplomatique de ce genre. Léon XIII décida donc de faire une nouvelle tentative, dont les objectifs seraient les suivants : clarifier tout d'abord la question doctrinale en faisant mieux comprendre la distinction qu'il avait déjà énoncée entre la constitution et la législation ; faire entendre, d'autre part, aux partis dynastiques qu'ils n'avaient pas reçu mandat d'assurer selon leurs vues propres la défense de l'Église ; ouvrir la voie enfin à la formation d'un grand parti conservateur qui rassemblerait catholiques et républicains modérés. Le pape confia au cardinal Lavigerie, archevêque d'Alger et de Carthage, la mission de lancer le mouvement, ce que fit celui-ci en prononçant à Alger, le 12 novembre 1890, un toast dont l'effet fut considérable sur l'opinion publique (X. de Montclos, Le Toast d'Alger, 1966). Le 16 février 1892, Léon XIII confirma cet appel par l'encyclique Inter innumeras sollicitudines (Au milieu des sollicitudes).
Si le ralliement marqua une étape doctrinale dans l'histoire du catholicisme français, par contre, comme opération politique, il se solda dans l'immédiat par un échec. La plupart des leaders contestèrent au Vatican le droit de leur dicter la conduite à suivre dans les affaires temporelles et furent encouragés dans leur refus par l'attitude temporisatrice de la plupart des évêques de France. Certains admirent que le pape avait le droit de dégager le catholicisme des forces dynastiques, mais, refusant de se rallier à la République, se retirèrent (Charles Chesnelong, Émile Keller). Un petit nombre suivit la directive de Léon XIII (Albert de Mun, Jacques Piou). Les ralliés n'obtinrent que de médiocres résultats aux élections de 1893. Un certain reclassement des forces politiques s'opéra cependant et permit de dégager une nouvelle majorité favorable à un apaisement religieux. L'affaire Dreyfus mit fin, dès 1898-1899, aux espoirs qu'avait pu faire naître cet « esprit nouveau ».
Certains[...]
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Écrit par
- Xavier de MONTCLOS : professeur à l'université de Lyon-II
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