ELLISON RALPH (1914-1994)
Écrivain noir américain, Ralph Ellison n'a publié qu'un seul roman de son vivant, Invisible Man (Homme invisible, pour qui chantes-tu ?), en 1952. Ce livre fut immédiatement reconnu comme l'un des plus grands textes de fiction de l'après-guerre (l'auteur reçut le National Book Award en 1953). Il est également l'auteur de nombreuses études et nouvelles. Son œuvre puise aux sources du blues et du jazz, tout comme elle se nourrit des grands monologues inspirés de Dostoïevski et de Faulkner.
Un affrontement poétique de la réalité
Ralph Ellison est né en 1914 dans l'Oklahoma, l'un des plus jeunes États de l'Union. À Oklahoma City, la ségrégation existait, certes, mais les relations sociales, culturelles et interraciales étaient plus fluides qu'ailleurs. Ainsi, dans l'imaginaire de Ralph Ellison, le sens de la contrainte restera associé à la possibilité de la transgression. Joueur de trombone, Ellison retrouve cette ambivalence dans le mélange de réserve et d'aventure qui vibre dans le jazz. Au plus profond du blues, il apprend à déceler la souffrance mais aussi une forme de transcendance. Le blues commence avec le désastre, affirme Ellison. Mais le blues, c'est aussi cet affrontement poétique de la réalité, qui tient de l'ascèse et de la volonté, et qui proclame enfin le triomphe de la foi et d'un « lyrisme proche du tragique, proche du comique », sur la désespérance. En 1933, Ralph Ellison entame des études de musique au Tuskegee Institute, dans l'Alabama, une école conservatrice fondée par Booker T. Washington, où l'on apprend que l'ascension économique et sociale des Noirs passe par l'acceptation de la discrimination. Mais, au gré de ses lectures, Ellison découvre qu'il y a des inflexions, des musiques et des images propres au folklore et au langage noirs dans les plus grands textes de la littérature américaine. Inversement, auprès de T. S. Eliot, Melville, Twain, ou Stephen Crane, mais aussi auprès de Joyce et de Dostoïevski, Ellison apprend à exprimer la richesse de son héritage culturel. Marié au lyrisme de l'art oratoire, à la plainte du blues et au rythme du jazz, le flux de conscience joycien devient l'un des ressorts essentiels de l'écriture ellisonienne.
Dans son roman, dans ses essais, discours et entretiens (The Shadow and the Act, 1964 ; Going to the Territory, 1986), Ellison mêle à loisir l'intertexte et l'oralité, la culture livresque et les contes populaires (Compère Lapin, Pauvre Robin), les joutes verbales (le jeu des dozens) ou des rythmes musicaux (le riff, l'antiphonie ou les spirituals). En pratiquant l'art du signifying pour faire résonner l'oralité ancestrale sous les codes établis, il montre qu'il entend situer son action responsable sur le terrain de l'art.
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Écrit par
- Nathalie COCHOY : maître de conférences
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Autres références
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ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - La littérature
- Écrit par Marc CHÉNETIER , Rachel ERTEL , Yves-Charles GRANDJEAT , Jean-Pierre MARTIN , Pierre-Yves PÉTILLON , Bernard POLI , Claudine RAYNAUD et Jacques ROUBAUD
- 40 118 mots
- 25 médias
...limites que pose le manifeste de Wright en réclamant une littérature qui rende compte de la diversité de la condition noire et de sa complexité. Plus tard, Ralph Ellison lui emboîte le pas en s’opposant lui aussi à l’injonction naturaliste. Son ouvrage Homme invisible, pour qui chantes-tu ? (1952) fait...