RICHARDSON RALPH (1902-1983)
À l'instar de celui des comédiens de sa génération (Laurence Olivier ou John Gielgud), l'itinéraire de l'acteur Ralph Richardson est passé tout naturellement de Shakespeare à Pinter. Après avoir servi pendant plus de quarante ans les grands textes classiques et avoir fait ressortir l'ambiguïté, la fureur et l'humilité propres au théâtre élisabéthain, l'acteur a su élever les lieux communs et les inquiétantes « banalités » du théâtre de Pinter au rang des beaux-arts. Qu'il interprète Falstaff, en 1945 (un de ses plus grands succès à la scène) ou ce pensionnaire d'un asile dans Home, de David Storey, ou encore le personnage de No Man's Land, sir Ralph Richardson aura donné une dimension tragique à l'individu le plus démuni et accentué l'aspect le plus dérisoire du monarque le plus absolu.
Très jeune, il découvre la magie du son au théâtre – le bruissement d'une cape, le cliquetis d'une arme – et c'est cette forme de cérémonial, plus que la magie du verbe, qui est à l'origine de sa vocation.
Il ne vint au cinéma qu'au début des années 1930, dans The Ghoul, mais interpréta de multiples rôles jusqu'en 1980. Il fut d'abord le partenaire de grandes vedettes féminines : Merle Oberon dans Le Divorce de Lady X (1938), Rosalind Russell dans La Citadelle de King Vidor (également en 1938), et, en 1948, Vivien Leigh dans Anna Karénine de Julien Duvivier et Michèle Morgan dans Première Désillusion de Carol Reed.
Ses deux titres de gloire demeurent surtout L'Héritière de William Wyler (1949) d'après le roman de Henry James, Washington Square, et Long Day's Journey into Night (Le Long Voyage dans la nuit, 1962) d'après Eugene O'Neill, avec comme partenaire Katharine Hepburn. Ralph Richardson crée des personnages veules qui ne trouvent leur grandeur que dans la chute. Cette complexité le fascine mais ne l'empêche pas pour autant de camper maintes et maintes fois, dans des superproductions internationales, des militaires obtus ou des consuls honoraires nostalgiques du Commonwealth, en s'efforçant toutefois de ne jamais tomber dans le portrait sans nuances. Dans Richard III, Docteur Jivago, Khartoum et Dieu, que la guerre est jolie !, il manie ce don d'autocritique cher aux acteurs anglais. Et Orson Welles lui demande de dire le commentaire de son Falstaff (1965). Si ces rôles de cinéma relèvent surtout de la participation amicale, il est aussi présent sur les scènes de théâtre où il joue le répertoire. Il attendit d'avoir atteint un âge avancé pour interpréter le roi Lear, personnage qui le fascinait mais qu'il avait refusé d'interpréter plus tôt par pure sagesse. Ce sens de la mesure et de la rigueur aura été, tout au long d'une carrière essentiellement vouée au théâtre, le signe distinctif de sir Ralph Richardson.
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Écrit par
- André-Charles COHEN : critique de cinéma, traducteur
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