Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

EMERSON RALPH WALDO (1803-1882)

Essayiste, philosophe, poète, l'Américain Emerson est tout cela à la fois sans que le rapprochement de ces trois termes parvienne à le définir. Son œuvre est à la jonction du platonisme et de la pensée chrétienne, mais elle doit son originalité essentielle à une admirable volonté de fraîcheur, à la vertu d'un regard qui se pose sur le monde avec une étonnante confiance et le transfigure au point de nous le rendre radicalement neuf. Le visionnaire se double d'un observateur aigu, à la manière de Montaigne. Très souvent les deux attitudes se fondent en une curieuse synthèse.

De l'unitarisme au transcendantalisme

Né à Boston d'une famille dont les ancêtres s'étaient installés dès le xviie siècle sur les rivages de la Nouvelle-Angleterre, fils, petit-fils et arrière-petit-fils de pasteurs, Emerson est cette figure paradoxale dans un continent nouveau : un héritier. Encore que son intelligence renie le puritanisme, il continue d'y adhérer par les fibres de son être moral. Il a la même passion d'intégrité, le même dégoût pour les réussites vulgaires, la même hantise d'un royaume intérieur. Mais le xviiie siècle et sa philosophie des Lumières ont miné le splendide édifice. Déjà le père de Ralph Waldo était passé à l'unitarisme ; il s'était intéressé à la littérature profane, avait encouragé les arts. Le fils, très tôt orphelin, semble devoir suivre la même voie. Après avoir étudié à Harvard College, il entre à l'École de théologie de Cambridge, puis, en 1829, reçoit l'ordination. On lui confie la charge d'une des paroisses unitariennes de Boston les plus recherchées : une carrière honorable lui est promise.

Trois ans plus tard, en 1832, il renonce à ses fonctions pastorales en invoquant l'impossibilité où il se trouve de continuer à prêcher certains dogmes auxquels il ne croit plus. C'est le début d'une période féconde de réflexion et de recherche. Il découvre avec émerveillement le romantisme allemand et anglais, notamment Coleridge dont la philosophie aide sa propre pensée à se cristalliser. En 1834 il s'installe dans une paisible bourgade des environs de Boston, Concord, qui deviendra le principal foyer intellectuel de la Nouvelle-Angleterre pendant le deuxième tiers du xixe siècle. Son premier ouvrage, Nature, paraît en 1836. Il est acclamé par quelques-uns, vilipendé par le plus grand nombre. En quelques mois le voici devenu, plus ou moins à son corps défendant, la figure de proue du transcendantalisme : la génération nouvelle le reconnaît pour son maître à penser, tandis que les tenants de l'orthodoxie unitarienne, y compris ses anciens professeurs, le frappent d'ostracisme.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur de littérature et civilisation des États-Unis à l'université de Lyon-II

Classification

Autres références

  • CAVELL STANLEY (1926-2018)

    • Écrit par
    • 1 165 mots
    • 1 média

    Né 1er septembre 1926 à Atlanta (Georgie), Stanley Cavell, après avoir étudié et enseigné à Harvard et à Berkeley, est devenu professeur à Harvard University, où s'est déroulée toute sa carrière. Il représente, par sa revendication d'une voix philosophique de l'Amérique, un courant tout à fait original...

  • ÉCOLOGISTE MOUVEMENT

    • Écrit par et
    • 12 528 mots
    • 5 médias
    ...la nature. Ce courant, marqué par le transcendantalisme – la croyance dans l’existence d’une bonté inhérente aux humains et à la nature, selon Waldo Emerson (1803-1882) –, voulait préserver l’intégrité des paysages et du patrimoine naturel, incarné par la Wilderness (la « nature sauvage...
  • ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - La philosophie

    • Écrit par
    • 6 292 mots
    • 1 média
    ...L'émergence du transcendantalisme en offre un témoignage, à côté de l'influence qu'un poète comme Walt Whitman exerça sur les esprits. L'importance que revêtit alors pour beaucoup la philosophie de Kant, telle qu'elle s'exprime chez R. W. Emerson (1803-1882), est en partie fonction du...
  • ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - La littérature

    • Écrit par , , , , , , et
    • 40 118 mots
    • 25 médias
    Emerson, auteur d'une des meilleures analyses du moi américain, le représente comme un « œil transparent » (et non comme un cerveau pensant ou un cœur ouvert à Dieu ou à la nature) autour duquel s'inscrit l'univers en cercles concentriques. Univers purement intérieur aussi que celui d'...
  • Afficher les 7 références