EMERSON RALPH WALDO (1803-1882)
Le père du romantisme américain
Au confluent de deux traditions également prolixes, celle du puritanisme et celle du romantisme, Emerson a beaucoup écrit. Il convient donc de classer et de trier dans sa production littéraire.
L'auteur inspiré apparaît dans les œuvres en prose de sa jeune maturité, Nature (1836), The American Scholar (L'Intellectuel américain, 1837), The Divinity School Address (Discours devant la faculté de théologie, 1838), Essays, First Series (Essais, première série, 1841), Essays, Second Series (Essais, deuxième série, 1844). Alternativement hymne à la toute-puissance de l'homme et rappel de sa dignité, avec les obligations qui en découlent, ce premier groupe d'écrits constitue une sorte de charte du romantisme américain. La sensibilité s'allie à la ferveur, la volonté d'indépendance à la rectitude morale pour faire surgir l'image d'un homme nouveau, en qui s'accomplira la destinée de notre espèce.
Déjà, pourtant, le second livre d'Essais reconnaissait les infranchissables limites de la nature humaine (« Expérience »). Dans les ouvrages qui suivent, Representative Men (Hommes représentatifs, 1850), English Traits (L'Âme anglaise, 1856), The Conduct of Life (La Conduite de la vie, 1860), Emerson, tout en conservant le substrat spirituel de sa pensée, s'attache davantage à suggérer le poids et l'épaisseur du réel. L'élan lyrique est brisé au profit d'une robustesse inattendue. Le portrait de l'Angleterre dans English Traits, brossé à larges traits et fouillé comme une miniature, illustre bien ce difficile mariage de l'idée et de l'observation.
Paradoxalement ce n'est pas dans sa poésie qu'Emerson réussit à être le plus original. Les Poems qu'il publie en 1847 sont tendus, elliptiques, richement suggestifs parfois, mais ils n'évitent ni la raideur ni la rugosité. Un excès de pudeur paralyse l'émotion, sauf dans les rares morceaux (« Days », « Brahma ») où l'expérience individuelle se dépouille assez pour atteindre naturellement à l'universel.
Ce jaillissement étouffé chez Emerson par la forme poétique, on le suit avec une admiration presque constante dans les volumes du Journal qu'il tint tout au long de sa vie. L'auteur y dialogue inépuisablement avec lui-même, notant idées, émotions et rêves à l'instant fragile de leur éclosion. Jamais mieux que dans ces pages écrites sans apprêt il n'a su rendre le flux et le reflux de l'âme, jamais il ne s'est approché davantage de la fraîcheur absolue de l'impression. Son œuvre la plus pleine, la plus satisfaisante est ainsi la moins construite.
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Écrit par
- Maurice GONNAUD : professeur de littérature et civilisation des États-Unis à l'université de Lyon-II
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