CRUZ RAMÓN DE LA (1731-1794)
C'est en adaptant des comédies de Calderón au goût musical de l'époque que Ramón de la Cruz fait ses débuts dans la littérature ; il traduit Molière, Racine, Shakespeare, qu'il fut le premier à transposer en espagnol (Hamlet, 1772). S'attachant à ce qui est authentiquement espagnol et populaire, il cultive la saynète, genre déjà brillamment représenté par les Pasos de Lope de Rueda ou les intermèdes de Cervantes. L'œuvre de Ramón de la Cruz est constituée par quatre cents brefs morceaux, écrits de 1786 à 1791, gracieux et colorés, qui présentent les mœurs populaires madrilènes. L'intérêt de ces saynètes réside non seulement dans le charme ironique des scènes, mais dans leur caractère de document d'époque ; comme dans les eaux-fortes de Goya, l'auteur utilise l'ambiance pittoresque des bals populaires, des pique-niques champêtres, des incidents de rue et montre certains phénomènes sociaux, tel l'encanaillement d'une partie de l'aristocratie, le goût excessif pour les modes étrangères. Les thèmes sont variés ; la plupart reflètent des types sociaux : Las Castañeras picadas (Les Marchandes de marrons), La Pradera de San Isidro (La Prairie de Saint-Isidore), El Fandango del candil (Le Bal des lampions). D'autres sont des parodies de tragédies : Manolo, El Muñuelo, Inesilla de Pinto. D'autres encore sont des peintures satiriques de la vie bourgeoise : El Sarao (La Soirée mondaine), El Reverso del sarao (Le Revers de la soirée), La Comedia casera (La Comédie bourgeoise), El Hospital de la moda, La Tertulia discreta (La Réunion savante), La Visita del duelo (La Visite de condoléances). Le mètre utilisé est généralement le romance, mais aussi fréquemment la séguedille, la letrilla et autres formes populaires. Attaquées par les néo-classiques, les saynètes de Ramón de la Cruz ont su s'imposer grâce à leur finesse malicieuse, espiègle, à leur saveur, à l'humour et à l'ironie moqueuse du langage, mais aussi grâce à l'interprétation originale et turbulente qu'elles offraient de la réalité.
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Écrit par
- Sylvie LÉGER : licenciée ès lettres, maître en philosophie
Classification
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