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SENDER GARCÉS RAMÓN JOSÉ (1901-1982)

Ramón Sender est un des romanciers les plus représentatifs de la littérature espagnole contemporaine tant par les circonstances de sa vie que par la vision du monde manifestée dans ses œuvres. Pour ses compatriotes, il est le type même de l'écrivain engagé dans les luttes sociales de son temps et auquel l'exil confère une sorte d'auréole. Le temps, l'éloignement, et aussi la censure jusqu'en 1963, ont contribué à faire de lui une figure mythique dans laquelle s'est reconnue une large partie de la génération républicaine des années trente, et cela malgré l'évidente évolution de Sender vers des attitudes conservatrices. Sa production, très abondante, fut toujours accueillie avec un préjugé favorable, préjugé qu'a contribué sans doute à maintenir la remise en circulation en Espagne des premières œuvres qui ont fait sa célébrité.

L'écrivain engagé : l'action sociale

Ramón José Sender Garcés est né en 1901 dans un petit village de l'Aragon, Chalamera de Cinca, d'une famille appartenant à la bourgeoisie moyenne. Il explique lui-même par cette origine aragonaise le primitivisme qui imprègne toute son œuvre. Après des études secondaires, il monte à Madrid et fait ses débuts dans divers journaux. En 1923, il accomplit son service militaire au Maroc, où l'Espagne mène alors une guerre coloniale qui tourne pour elle au désastre : de cette expérience assez dure, il tirera plus tard (1930) son premier roman, Imán. À son retour, il entre comme rédacteur à El Sol, le grand quotidien libéral de Madrid, où il commence à acquérir sa notoriété de journaliste et d'écrivain. En même temps, il participe à l'agitation anarchiste qui caractérise la dictature de Primo de Rivera et connaît la prison. Cette activité révolutionnaire fournit la matière de deux nouveaux récits : Orden público (1931), sur l'univers carcéral, et Siete Domingos rojos (1932), qui évoque le monde des groupes de combat anarchistes.

À l'avènement de la IIe République espagnole, Sender a quitté El Sol pour La Libertad, proche des socialistes, et collabore, entre autres, au quotidien anarchiste Solidaridad obrera. C'est alors qu'il publie ses célèbres articles sur l'affaire de Casas Viejas, un petit village andalou où les forces de l'ordre avaient écrasé brutalement une modeste insurrection de paysans libertaires : un scandale dont la République ne se relèvera jamais. À l'époque où Sender fait paraître la version romancée de l'épisode (Viaje a la aldea del crimen, 1934), il a atteint un sommet dans sa carrière. Il est devenu la figure idéale de l'écrivain mettant librement sa plume au service de la vérité et de la liberté. La Noche de las cien cabezas (1934), vision critique de la société espagnole, confirme cette image. La consécration officielle viendra au moment du Frente popular, au début de 1936 : Sender obtient le prix national de littérature pour son roman Mr. Witt en el cantón, où il raconte le soulèvement cantonaliste (d'inspiration anarchiste) qui, en 1873, déborda sur sa gauche la Ire République espagnole.

Entre-temps, Sender est passé par une crise idéologique qui l'a fait s'éloigner des anarchistes pour se tourner vers les communistes, ce dont témoignent des livres (recueils d'articles pour certains d'entre eux) comme Madrid-Moscú (1934), Carta de Moscú sobre el amor (1934), et Contraataque (1937-1938) où il relate les premiers mois de la guerre civile espagnole tels qu'il les a vécus. Cette guerre sera pour lui une épreuve pénible tant sur le plan personnel (sa femme et un de ses frères sont fusillés) que sur le plan idéologique puisqu'il a à souffrir des conflits internes qui, dès 1937, déchirent le camp républicain. Il est envoyé à l'étranger pour témoigner, au nom de la République, d'abord aux États-Unis, puis[...]

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Écrit par

  • : ancien maître de conférences, université de Paris-IV-Sorbonne, U.F.R. de langue et littérature espagnoles

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